[TEST] Fallout 76, bienvenue en soins palliatifs

Bethesda et Fallout 76 ressemblent de plus en plus à des personnages de tragédie grecque. Non content de savoir son destin scellé et d’aller vers l’inéluctable et le funeste, comme dans toutes bonnes tragédies, le studio prend aussi le rôle de deux personnages de la mythologie que je n’aurais jamais imaginé ensemble : Sisyphe et Prométhée (je pourrais même y rajouter Tantale, si j’étais taquin). Mais poursuivons notre voyage à travers la mythologie grecque pour essayer de comprendre ce qui s’est passé.

Un Fallout 76 Tartare !

Avant d’entamer ce test, il convient sans doute de revenir au commencement. Dès son annonce, Fallout 76 a suscité autant d’attentes que de méfiance. Il faut dire que Bethesda avait été pour le moins laconique en présentant le jeu comme un Fallout multijoueurs. Ce qui n’est certes pas faux… mais n’est pas forcément vrai non plus. Il s’agit plutôt d’une grande carte dans laquelle une quinzaine de joueurs se retrouve sur le même serveur. Il y avait, certes, des Cassandre pour nous dire que le multijoueurs serait foireux, mais franchement qui écoute Cassandre ? Ceci est d’autant plus gênant que cela induit le fait de ne pratiquement rencontrer personne tant la carte est grande. On se retrouve donc seul dans une immense carte sans pouvoir vraiment y faire quelque chose ni même interagir avec quelqu’un.

C’est là, me semble-t-il, l’un des premiers échecs de Bethesda. D’une part, comment promouvoir l’aspect multijoueurs d’un jeu quand le nombre de joueurs n’excède pas vingt et, d’autre part, comment nier à ce point ce qui fait la substantifique moelle de la licence, à savoir le post-apocalyptique. Pour rappel, le post-apo, c’est facile : Un grand cataclysme, *pouf* une grande partie de l’humanité est balayée, *clic clac* recul technologique et reconstruction par les groupes d’humains qui restent. Le post-apo est un genre âpre et rugueux où les hommes doivent sans cesse faire face à de nombreux dangers, qu’il soit environnementaux ou humains. Mais ici, non, on se retrouve dans un monde merveilleux où seules des goules vont venir nous attaquer.

Fallout 76 : le post appeau

C’est d’autant plus frustrant que les interactions entre joueurs sont limitées au maximum pour éviter tout débordement et ainsi toucher un plus grand nombre. Oubliez donc l’idée de jouer un profiteur violent et voleur, c’est pratiquement impossible, voire suicidaire. Ainsi, tout affrontement entre joueurs doit se faire avec l’approbation des deux parties. Si vous tirez sur quelqu’un, cela ne lui enlèvera qu’une infime partie de sa barre de vie tant que celui-ci ne vous tire pas dessus en retour. C’est assez incroyable de constater une telle méconnaissance du genre même dans lequel est censé dérouler le jeu. Imagine-t-on un Red Dead Redemption sans cow-boy ou un Tomb Raider sans tombeau ?

Je vous racontais précédemment que Bethesda me faisait penser à un mélange de Sisyphe et de Prométhée, nous y voila. Pour rappel, Sisyphe c’est celui qui pousse un gros caillou en haut d’une colline pour le voir redescendre immédiatement après et Prométhée celui qui se fait bouffer le foie chaque jour par un aigle. Ainsi, tel Sisyphe, Bethesda poussa son propre boulet qu’était Fallout 76 en haut de la colline pour avoir l’approbation des joueurs. Malheureusement, ceux-ci, passablement énervés par le manque de respect de Bethesda, se ruèrent sur le studio pour lui bouffer le foie avant de le faire redescendre avec un coup de pied rageur. Voilà en tout cas la scène que je m’imagine et qui va être amenée à se répéter.

La boite de Pandore

Donnons tout de même une chance à Bethesda et allons voir du côté de l’écriture et de la narration. La narration dans Fallout 76 est pratiquement réduite à néant. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a aucun PNJ dans le jeu. Oui, aucun. Ainsi, les seuls personnages que l’on croisera (peut-être) sont les autres joueurs. Tout le système de quêtes se fait au travers de fichiers audio que l’on écoute au départ puis que l’on laisse tourner en fond avant de voir où aller sur le Pip-Boy. Pour un studio qui avait la réputation d’au moins soigner un minimum l’écriture, c’est ballot. D’autant plus que les quêtes sont inintéressantes au possible et n’ont pour unique fonction que d’occuper le joueur façon hochet devant le visage.

Il ne reste finalement dans Fallout 76 que la partie FPS. Ainsi, on se balade on nous force à aller d’un point A à un point B. On rencontre des goules. On tire. On apprécie la mollesse des coups de feu et l’ennui du corps à corps. On ramasse une cassette audio. on se balade on nous force à aller d’un point A à un point B. On rencontre des goules. On tire. On apprécie la mollesse des coups de feu et l’ennui du corps à corps. On ramasse une cassette audio. on se balade on nous force à aller d’un point A à un point B. On rencontre des goules. On tire. On apprécie la mollesse des coups de feu et l’ennui du corps à corps. On ramasse une cassette audio. on se balade on nous force à aller d’un point A à un point B. On rencontre des goules. On tire. On apprécie la mollesse des coups de feu et l’ennui du corps à corps. On ramasse une cassette audio. On se déconnecte.

Ainsi, Fallout 76 est un RPG post-apo multijoueurs en ligne qui se caractérise principalement par son aspect FPS dans un monde sans vie mais néanmoins bienveillant. Bethesda montre ici comment nier tous les éléments d’un jeu pour le tordre et le faire rentrer dans des cases qui ne sont pas les siennes (tout en disant quand même que, oui, c’est un peu les siennes quand même). Fallout 76 est la tentative du studio pour voir si les joueurs sont prêts à payer pour un jeu vide, pour un squelette sans aucune occupation si ce n’est celles voulues par les joueurs. Ah,, mais revoilà Bethesda-Sisyphe et son rocher-Fallout 76 ! Oui, oui, le studio est encore en train de monter la colline pour se refaire manger le foie par les joueurs et retomber au pied de la montagne.

Fallout 76, un bâton mère d’eux (Bethesda)

Et je ne vous ai pour le moment que parlé du jeu en lui-même. Mais la communication de Bethesda autour de lui vaut aussi le coup d’œil, ne serait-ce que pour rigoler un bon coup. Ainsi, après avoir grimpé la colline en poussant son Fallout 76 Bethesda annonça le don de Fallout 1 et Fallout 2 à tous les joueurs et joueuses qui se seraient connecté sur Fallout 76 en 2018. Cela ne calma pas les joueurs. Le studio remonta la pente, annonçant une édition collector à 199€, certain pigeons joueurs et joueuses l’achetèrent notamment pour le sac en toile présent sur l’image de présentation. Malheureusement, ils ne reçurent qu’un simple sac en nylon au lieu dudit sac en toile. Et, rebelote, Bethesda chuta. Vaillamment, le studio remonta la pente pour annoncer qu’elle avait entendu les complaintes des joueurs et des joueuses et qu’en échange elle leur offrait 5€ d’argent in-game. Et Bethesda chuta encore.

Encore une fois, Bethesda remonta la colline pour trouver en haut directement les joueurs l’attendant avec une tronçonneuse prêt à faire un tartare de foie. Ce qu’ils firent en lui annonçant qu’ils avaient trouvé des assets de Fallout 4 et de Fallout 3 partout dans le jeu et qu’il ne fallait pas les prendre pour des cons. Et Bethesda chuta une nouvelle fois. Sans se poser trop de questions, Bethesda remonta encore, sans doute plus par habitude que par envie. Un nouvelle fois les joueurs l’attendait. Une nouvelle fois, ils se repurent de son foie en lui annonçant avoir trouvé la dev room contenant un exemplaire de tous les items du jeu. Et Bethesda chuta mais, cette fois, Bethesda était colère et bannit tout les joueurs et les joueuses qui entrèrent dans la dev room. Mais, dans sa chute, Bethesda entraîna avec lui les prix de Fallout 76 qui se retrouvèrent ainsi au plus bas deux mois seulement après sa sortie (il se retrouve à 10€ ou juste un peu plus cher sur le marché gris alors qu’il était vendu 60€ à la base).

 

Verdict

4/10

Une légende dit que, les soirs de pleine lune, l’on peut encore entendre la complainte d’un studio. Maudit pour l’éternité à pousser son jeu, Fallout 76, en haut de la colline de l’approbation. Condamné à pousser son fardeau et à subir les outrages d’un public ivre de colère, le studio choit encore et encore. Ô voyageur distrait, tend l’oreille et entend la supplique de Fallout 76 : « Tuez-moi ! Tuez-moi ! Tuez-moi ! Par pitié, tuez-moi ! ». Mais nul ne viendra achever ce pauvre jeu, telle est sa punition pour avoir défié les dieux.

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