[BGF 2016 / LITTÉRATURE] Tolkien et son monde imaginaire

Le Bordeaux Geek Festival parle de culture en général et nous ne sommes donc pas vraiment étonnés de voir qu’une conférence sur Tolkien est au programme de cette édition 2016. Le choix de l’intitulé de cette conférence parait tout d’abord un peu étrange car, au final, il a bien plus été question de la vie bien réelle de l’auteur plutôt que de son « monde imaginaire », il faut mettre cela sur le compte d’un manque de temps pour aborder ce volet-ci – oui, une heure, c’est court. Edouard Kloczko, grand spécialiste des langues de l’univers de l’auteur a animé cette rétrospective biographique qui a consisté en une chronologie relativement classique, pratique pour ne pas perdre les néophytes. Voici un compte-rendu qui essaie de rebondir sur certains points évoqués, si des informations complémentaires s’avèrent intéressantes, le sujet m’intéressant déjà énormément de base.

 

Une famille progressiste qu’il perd tôt

Le père de John R. R. Tolkien, prénommé Arthur, travaillait comme employé de banque en Afrique du Sud, contrée où vit le jour le futur auteur du Hobbit. Il fut bientôt rejoint par sa fiancée Mabel, qui devint sa femme et lui donna deux fils. Il faut signaler que la famille Tolkien, quand elle vivait en Afrique du Sud, était profondément contre l’apartheid. Un des aspects qui confirmait ce point résidait dans la volonté de la famille de laisser son domestique noir poser sur les photos de groupe avec eux, ce qui ne se faisait pas à cette époque. Mabel préférant le climat anglais pour élever les deux garçons revint donc en Europe tandis qu’Arthur restait en Afrique. Cela ne lui porta pas chance puisqu’il mourut des complications d’une fièvre rhumatismale en 1896.

Une fois en Angleterre, Mabel et ses fils s’installent à Sarehole, près de Birmingham, à proximité d’un moulin qui deviendra assez célèbre et dans un endroit qui inspire – bien plus tard – le jeune John. Mabel apprend très vite à lire au futur auteur de fantasy, ainsi que des rudiments de latin, d’allemand et de français. C’est également à cette période qu’il devient fasciné par les légendes arthuriennes – qui nous amènera de nombreux récits comme La Chute d’Arthur. Alors que Tolkien entre à la King Edward’s School, Mabel doit songer au déménagement car la famille lui coupe les vivres en raison de sa conversion au catholicisme très mal perçue, en 1902. Le petit John doit alors changer également d’école car son oncle ne paie plus les frais de scolarité.

Apparemment déjà estimé du corps enseignant, il obtient une bourse dès 1903 et peut retourner à la King Edward’s School. Malheureusement, cette belle victoire est ponctuée par la mort de Mabel, victime des complications d’un diabète – évidemment, le traitement par insuline n’était pas vraiment d’actualité. Les deux fils de Mabel sont alors confiés au père Francis Morgan qui a la tâche de veiller à la bonne marche de l’instruction de John avant sa majorité.

Les études et le « temps des amours »

John continue donc son cursus à la même école et s’intéresse de plus en plus à la philologie et à la culture germanique et nordique. L’histoire de Sigurd le marque notamment beaucoup – cette influence ne le quitte pas car une Légende de Sigurd et Gudrun nous est parvenue à titre posthume en 2010 en français. Il se passionne également pour le rugby à un tel point qu’il devient le capitaine de l’équipe de son école.

L’une des rencontres les plus importantes de sa vie intervient alors, en 1908. En effet, il fait la connaissance d’Edith Bratt et en tombe rapidement amoureux. Cet attachement est réciproque mais le père Francis s’y oppose par crainte que le jeune homme ne néglige ses études. Malgré tout, les deux amoureux continuent longtemps à se voir en cachette jusqu’à ce que le tuteur de Tolkien s’en aperçoive et ne menace de mettre un terme aux études de son protégé. Cela suffit à faire perdre de vue Edith et John pendant quelques temps. Cependant, en 1913, à sa majorité, John écrivit une lettre à Edith pour la demander en mariage. Celle-ci s’étant promise à un autre refusa tout d’abord mais céda finalement, rompit ses fiançailles et se convertit même au catholicisme pour favoriser cette union.

Du point de vue intellectuel, Tolkien et quelques-uns de ses amis – notamment Rob Gilson – créent le Tea Club Barrovian Society, ils prennent alors l’habitude de boire le thé dans les environs de l’école et même dans la bibliothèque, faisant fi de tout règlement intérieur. La même année, en 1911, il partit en Suisse et y vit le Silberhorn, un sommet qui lui inspire le Celebdil, par lequel on accède en empruntant le fameux col de Caradhras, pour ceux qui se souviennent du Seigneur des Anneaux. Ce lien entre massifs – notamment alpins – et inspirations de Tolkien a d’ailleurs été également mis en lumière par Tolkiendrim. Il faut noter que de manière plus globale, le premier conte qui sera bien plus tard intégré au Silmarillion, la Chute de Gondolin, trouve son origine en 1910 – même si son écriture pour ce qui devait devenir Les Contes Perdus ne date que de 1916-1917.

La Grande Guerre, un tournant de la pensée pour Tolkien

Comme de nombreux jeunes gens de cette époque, Tolkien ne put se dérober à son devoir et participa à la Première Guerre Mondiale. Ceci étant, il n’ira pas au front au début du conflit. Il apprend le démarrage de la guerre alors qu’il est en vacances et rédige peu après le poème intitulé Le voyage d’Éarendel, qui inspire par la suite le personnage d’Eärendil – Aiya Eärendil elenion ancalima. En rentrant à Oxford, il peut poursuivre ses études car il s’entraîne avec les Officers’ Training Corps. Le Tea Club Barrovian Society se réunit pour la dernière fois en décembre 1914 et croit toujours dans son potentiel pour changer le monde, cette dernière réunion affirme encore le potentiel de Tolkien qui obtient les First-class honours lors de ses examens à Oxford en 1915.

Malgré tout, son départ vers le front se précise et il décide d’épouser Edith le 22 mars 1916. Il arrive en France le 4 juin de la même année et sert comme officier de transmission durant la bataille de la Somme. Une expérience qui va, bien entendu, fortement le marquer. Victime de la fièvre des tranchées – provoquée par les poux – il est renvoyé en Angleterre le 8 novembre. Des quatre fondateurs du T. C. B. S., il ne reste plus que deux encore en vie : lui et Christopher Wiseman.

Au final, Tolkien ne retournera pas au front et profitera même de son retour pour avoir un premier enfant, prénommé également John. Il ne se passe plus grand-chose pendant quelques années, si ce n’est que le futur auteur va voir naître trois autres enfants – dont Christopher, très important pour son œuvre posthume – et va voir sa carrière académique évoluer.

Une publication inattendue puis le succès

Lorsque Tolkien écrit certaines de ses histoires qui finiront par être ses plus connues, il ne pense absolument pas à l’opportunité de présenter ces histoires à un éditeur. C’est, au final, un vrai concours de circonstances qui va faire que Le Hobbit va être prêté, apprécié, passé entre les bonnes mains et finalement publié par Allen & Unwin en 1937. D’une histoire écrite pour divertir ses enfants – au même titre que Roverandom et Les Lettres du Père Noël – son œuvre rencontre finalement un grand succès critique et commercial qui pousse l’éditeur à demander une suite à son auteur.

Idée qui avait de toute façon germé dans l’esprit de l’écrivain, qui voulait écrire une longue histoire – ce qui sera fait avec le Seigneur des Anneaux. Le Seigneur des anneaux est achevé en 1948/1949 et publié entre 1954 et 1955 et donc scindé en trois volumes par soucis d’économie – l’histoire devait bien être en une seule partie à la base. Il faut noter que la création de clubs de fans ne semblait pas vraiment plaire à Tolkien et si, dans les débuts de sa notoriété, il répondait aux lettres de ses admirateurs avec force détails, il devint moins prolixe par la suite. Tant et si bien que la famille déménagea en 1958 pour plus de tranquillité.

La dernière quête de Tolkien

Les initiés le savent, la quasi-totalité des 20 dernières années de la vie de Tolkien ont été consacrées à sa tentative de trouver un cadre satisfaisant à l’histoire des Elfes – il faut comprendre « dans sa tentative de rendre lisible Le Silmarillion ». En effet, n’ayant pas réussi à convaincre son éditeur du bien-fondé de cet ouvrage, il semble que Tolkien ait pas mal tâtonné sur le sujet et il ne verra même jamais son œuvre pleinement achevée car il meurt avant d’avoir donné une forme finale à cette ouvrage central de son univers. C’est Christopher Tolkien, son exécuteur testamentaire pour tout ce qui concerne son œuvre qui y parviendra non sans mal et qui nous livra la version actuelle de ce véritable équivalent de la Bible pour la Terre du Milieu. Il n’est d’ailleurs pas exclu que je fasse un article sur le sujet quand le temps le permettra – oui, parler du Silmarillion, c’est long et fastidieux.

Parlons de la fin de la vie du Professeur qui se retira donc à Bournemouth, où il n’était pas forcément à son aise, jusqu’à la mort de sa femme en 1971. Il fit graver sur la pierre tombale, sous le nom d’Edith Tolkien « Luthien ». Quand lui-même mourut en 1973, le nom de « Beren » fut gravé selon sa volonté sous son nom, une belle façon de boucler la boucle.

Evidemment, ce compte-rendu ne s’est pas attardé sur certains détails – parfois pas totalement abordés dans la conférence elle-même – comme l’amitié de Tolkien avec C. S. Lewis, l’auteur de Narnia et le choc qu’a provoqué la mort de ce dernier sur lui, mais tout cela nous a permis de nous rappeler le parcours de l’un des plus grands artistes du XXème siècle ou d’en apprendre plus à ceux qui ne le connaissait pas ou peu. D’autres articles sur le sujet – plus basés sur la réflexion – devraient voir le jour dans notre rubrique dédiée à la culture, restez connectés !

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