Après Counter Strike, Portal et Team Fortress, Valve cimente sa réputation de récupérateur avec un nouveau mod transformé en poids lourd du jeu vidéo avec DotA 2.
Quand on parle de Valve, on a tendance à penser directement à Half Life et Steam, mais il ne faut pas oublier une des traditions les plus importantes chez Valve : la récup !
Que ce soit le célèbre Counter Strike, qui était le mod le plus connu et joué de Half-Life ou Portal, basé sur un projet étudiant de l’université Digipen, Valve a développé une tradition de récupérer des projets prometteurs et les transformer en blockbusters. Saviez-vous que Team Fortress était un mod pour Quake par exemple?
Le dernier exemple de cette tradition est DotA 2. Mais l’histoire de DotA est tout aussi intéressante que le jeu en lui-même. Basé sur le mod le plus connu de Warcraft 3, DotA est un concept génial qui a donné naissance au genre du MOBA.
Comme vous pouvez l’imaginer, la bataille légale fut épique pour donner le droit à Valve de faire un jeu qui non seulement est une copie carbone de DotA (sans rire, les patchs pour DotA 1 et 2 sortent en même temps), mais de carrément reprendre le nom du jeu et de coller un 2 derrière. En effet, Warcraft est la franchise la plus connu du géant Blizzard et ce dernier n’est pas connu pour être préteur. Cela dit, Valve a fait les choses bien, en embauchant deux des trois créateurs originaux du mod. Le dernier a choisi de son coté d’aller fonder une petite boite appelé Riot Games et a créé League of Legends, qui est juste devenu le jeu le plus joué online de tous les temps…
En conséquence, nous avons aujourd’hui le jeu le plus gros online (LoL) et le jeu le plus populaire sur Steam (DotA, devant Counter Strike et Team Fortress 2 tout de même), qui partagent des liens de parenté très forts. Quand on se rend compte de l’histoire des deux jeux, on a un peu de mal à comprendre le venin qui circule entre les deux communautés, surtout quand on considère les subtiles différences entre les deux jeux. Entre développeurs, cela dit, c’est une autre histoire. Le créateur de LoL est en effet l’un des pères fondateurs de DotA (Steve Feak, ou Guinsoo). Le créateur original du mod pour Warcraft 3 (Eul) et son plus récent gardien (IceFrog) ont été tous les deux recruté par Valve pour donner vie à DotA 2. Les trois pères de DotA ont donc choisi de partir dans des directions différentes, mais il est clair que sans l’énorme succès de LoL, on aurait pu trouver que Guinsoo s’était fait un peu avoir.
Cela dit, Valve est désormais légalement le seul propriétaire de la franchise DotA, et LoL est le plus gros jeu online de l’histoire, avec plus de 3 millions de spectateurs live lors de la finale de la coupe du monde en novembre dernier. Pas mal pour un jeu aux débuts chaotique qui a dû se battre becs et ongles contre les préjugés de l’industrie envers le Free to Play !
Mais comment ça marche alors DotA ? Et bien avant tout, c’est un jeu d’équipe.
Chaque partie oppose deux équipes de cinq héros contrôlés par cinq joueurs de chaque côté, le but étant de faire progresser son héros, développer ses 5 sorts et d’acheter de l’équipement pour finalement détruire la base adverse, appelé Ancient dans DotA (Defense of the Ancient). Pour simplifier, c’est comme un micro MMO compétitif qui vous permet d’avoir la totalité de l’expérience d’un RPG en une seule partie.
Vous gagnez des niveaux, apprenez des sorts, acheter des objets et devenez de plus en plus puissant tout en vous en mettant sur la gueule avec les joueurs adverses.
C’est un jeu très complexe et offrant une variété quasiment inépuisable avec plus de 100 héros, tous avec leurs propres pouvoirs, affinités et vulnérabilités. DotA est un tel monstre de Frankenstein qu’on y trouve un héros qui se joue comme un personnage de jeu de baston à coup de combo de touche pour enchaîner dix sorts tous différents.
Les combinaisons de pouvoirs et les interactions entre héros sont innombrables, et même si les pros connaissent le jeu si bien qu’ils peuvent dire quelle build est la plus efficace pour quel héro et contre quel équipe, on a tout de même une grande liberté d’expérimentation.
Cette liberté a un coût cependant car DotA ne pardonne pas. Les héros commencent la partie très fragiles et peu puissant et il est vite fait de se retrouver dans une situation où l’on se fait tuer en moins de deux. C’est cet équilibre de risque et récompense qui rend DotA si intéressant à jouer, mais aussi fascinant à regarder. Si vous en doutez, il suffit de regarder la grande finale de l’International 3 qui a eu lieu cet été pour voir à quel point les matchs de hauts niveaux peuvent être passionnants.
Les subtilités du jeu sont nombreuses, et parfois franchement déroutante, comme par exemple le concept de “last hit” qui consiste à porter le coup fatal à un ennemie pour gagner de l’or et de l’expérience, le fait que seul ce dernier coup ne vous apportera de l’or, le fait qu’il est possible de tuer ses propres unités pour empêcher l’adversaire de gagner de l’or et de l’expérience, etc…
La plupart de ces règles viennent directement du fait que le moteur de Warcraft 3 n’était pas fait pour supporter ce genre de jeu à la base et que les développeurs du mod ont dû travailler autour des limitations présentes. Mais le fait que toutes ces petites choses sont encore présentes et même qu’elles sont aujourd’hui des parts intégrantes de la manière dont on doit jouer est fascinant pour moi. Même certains des bugs du mod original ont été conservés !
Je n’ai jamais été un fan du concept d’E-Sport, spécialement à cause du fait que jusqu’à présent, les jeux porte-drapeau du mouvement étaient des FPS ou des RTS. Les premiers sont trop répétitifs et les seconds sont souvent impossibles à apprécier sans un gros investissement de temps. Paradoxalement, DotA est à la fois assez abstrait et assez identifiable pour fonctionner comme un sport. Contrairement à un RTS, les joueurs contrôlent un seul personnage, ce qui permet de voir immédiatement et de comprendre bien ce que chaque joueur fait à tout moment. En même temps, l’énorme variété de héros disponibles et les concepts abstraits du gameplay en font un exercice assez différent pour qu’on puisse prendre du recul et analyser un match dans son ensemble.
Cette combinaison de gameplay et de meta-stratégie fait de DotA un jeu compétitif sans vrai comparaison. Même LoL a incorporé un grand nombre de raccourci pour rendre la jouabilité plus facile à apprendre e maitrisé. De son coté, DotA refuse de s’adapter aux nouveaux joueurs, ce qui rend les premiers contacts avec le jeu déroutant, mais qui permet d’autant plus d’apprécier les subtilités une fois qu’on a compris le principe. Un peu comme un sport en fin de compte.
Pour ma part, j’ai maintenant compris les bases et commence à pouvoir maîtriser une petite poignée de héros… Après 65h de jeux et peut être dix fois plus à regarder des tutoriaux et des matchs pro sur YouTube ! Et malgré cela, je ne peux pas arrêter de penser à ce jeu. Il est si profond qu’il y a toujours quelque chose à apprendre et avec plus de 100 héros parmi lesquels choisir entièrement gratuitement, comment ne pas trouver un style de gameplay qui plaise ?
Je ne saurais trop vous recommander de tenter votre chance, et avec des matchs contre l’ordi qui vous donneront vraiment du mal au début, il n’y a pas à avoir de regret de ne pas vouloir jouer avec d’autres joueurs dès le début.
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