[ANALYSE] Dropsy

Attention cette chronique contient des SPOILERS, vous êtes prévenus. Bravo ! Vous avez fini de lire le test et vous en voulez plus ? Pour une fois et parce que je trouve qu’il serait dommage de passer à coté d’une analyse plus poussée de l’histoire et de Dropsy en général voici une interprétation de plusieurs points que je trouve intéressant dans le jeu de Tendershoot et A Jolly Corpse.

Dropsy, un éternel enfant ?

Les dessins au trait

Au fur et à mesure de l’avancée dans l’aventure, je me suis fait cette réflexion : « Et si Dropsy était la représentation d’un enfant ou d’un adulte handicapé mental qui serait resté un enfant ? ». Plusieurs éléments m’ont fait penser à cela comme par exemple la décoration de la chambre de Dropsy qui rappelle celle d’un enfant avec son lit en forme de voiture ou la présence de dessins au trait, somme toute enfantins. Ma première lecture fut celle d’un enfant handicapé qui aurait été recueilli par un cirque et prit en charge par un homme et une femme. Cette vision fut balayée vers la fin du jeu quand on apprend que Dropsy a été adopté par ces deux personnes qui formaient un couple et que Dropsy était un extra-terrestre. On pourrait y voir un clin d’œil à l’histoire de Superman tant les deux histoires sont proches à la différence que le super-pouvoir de Dropsy serait de rendre les gens heureux.

Un rêve de Dropsy.

Sans remettre en question le postulat de base, à savoir qu’il serait resté un enfant, l’origine du personnage pose d’autre questions (une personne inadaptée socialement essayant d’interagir avec le monde qui l’entoure). Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que Dropsy choisit, parmi les métiers circassiens qui s’offrent à lui, le métier de clown, celui qui rend les gens heureux.

Les phases de rêve viennent aussi renforcer cette impression car les cauchemars de Dropsy ne font que rendre effrayant ses objets et jouets habituels, qui deviennent des visions atroces et déformées de la réalité. On pourrait voir les cauchemars comme un moyen qu’utilise l’inconscient de Dropsy de manifester la culpabilité du clown. Culpabilité qui n’arrive pas à sortir parce qu’il est incapable de penser ou de matérialiser une pensée violente et méchante. On pourrait aussi allez plus loin en faisant de Dropsy un anti Rule of Rose dans l’analyse qu’en font l’ArmulhTeam dans l’épisode Creepy As Sh*t consacré au jeu. Dropsy serait une personne qui ne connaît pas la méchanceté ou plutôt qui est incapable d’être méchant. Le style graphique volontairement grossier ne serait finalement que la représentation du monde tel que se le représente Dropsy.

Dropsy, un inadapté social ?

Comme évoqué précédemment, Dropsy serait un inadapté social qui ne voit ce qui l’entoure qu’à travers les yeux d’un enfant et qui a du mal à interagir avec le monde. Dès le début du jeu, cette condition d’inadapté se fait sentir quand on arrive dans le salon avec une liste de numéros de téléphone accrochée au mur. Le premier réflexe du joueur est, bien entendu, de composer ces numéros avec le téléphone présent dans la pièce. Malheureusement, ses mains ne peuvent pas composer de numéro car étant trop grossières, il appuie sur plusieurs touches en même temps. Dropsy n’est pas fait pour ce monde, il ne peut interagir que maladroitement avec ce qui l’entoure.

Dropsy essayant d’utiliser le téléphone

L’autre élément qui fait penser que Dropsy est un inadapté social, c’est l’absence de langage dans le jeu. En effet, le clown ne parle pas et on peut voir dans son mutisme un autre handicap qui l’éloigne encore de la société. Mais s’il ne parle pas, les autres protagonistes non plus et l’on pourrait imaginer que, de la même manière que les graphismes ne sont que la représentation du monde par Dropsy, les « dialogues » sont la représentation que se fait Dropsy des gens quand ils lui parlent. D’ailleurs, notre personnage arrive à « communiquer » avec les autres mais pas de la manière habituelle, avec des phrases et des mots, mais par des images et des actions.

Il est un peu dommage de ne pas avoir d’information sur la perception qu’avaient les autres habitants de Dropsy avant l’accident. Le fait est que le joueur fait face à un environnement et des réactions hostiles de la part des autres personnages qui voient Dropsy comme un monstre, le renvoyant à son physique anormal. Le but du jeu sera de transcender ces réactions en arrivant à rendre les gens heureux pour montrer que Dropsy n’est finalement pas un monstre mais une personne terriblement humaine qui ne souhaite que le bonheur des autres. Il est intéressant de constater que les seuls personnages qui font de suite confiance à Dropsy sont les animaux (le chien, la souris, l’oiseau ou les poissons). Si on voulait aller vraiment loin, on pourrait dire que la condition d’inadapté social de Dropsy le renvoie à un statut d’animal, à un statut proche de l’état de nature que décrit Rousseau.

Dropsy, de face

À la fin du jeu et lors d’un dialogue avec le père de Dropsy celui-ci lui annonce qu’il est fier de lui et qu’à travers cette aventure il est devenu une grande personne, un adulte. Il a transcendé sa condition de personne inadaptée pour réussir à s’épanouir dans la vie, ce qui n’est pas sans faire penser au livre The Curious Incident of the Dog in the Night-Time (Le Bizarre Incident du chien pendant la nuit) qui raconte comment un enfant autiste arrive à aller outre son handicap pour devenir un adulte à travers une aventure rocambolesque. 

Le deuil, le pardon et l’amour

Enfin, parmi les thématiques développées dans le jeu, les thèmes de la mort, du pardon et de l’amour sont extrêmement forts et arrivent à créer un empathie importante pour les personnages. Celui de la mort est omniprésent dans Dropsy et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la première « mission » du clown sera d’aller fleurir la tombe d’une personne qui lui est chère (on comprendra par la suite qu’il s’agit de sa mère qui est morte dans l’incendie dont on attribue la faute à Dropsy). Il est donc responsable (s’il est vraiment l’auteur de l’incendie) de la mort de sa mère et des autres personnes présentes ce soir là. Difficile de ne pas voir dans l’aventure de Dropsy une quête de rédemption pour effacer ses fautes et se faire pardonner auprès de la ville.

Dropsy devant la tombe de sa mère

Si l’histoire personnelle de Dropsy fait directement référence à la mort et à l’acceptation lors du deuil, il semble qu’une bonne partie de la ville soit également dans cette situation. Le vendeur de déguisement, par exemple, que l’on voit pleurer devant une tombe qui est certainement celle de sa femme et qui semble aller de l’avant quand Dropsy lui remet une montre qui avait appartenu au couple. On pourrait aussi évoquer la prêcheuse dans l’église que j’ai pris plaisir à embêter en mettant du hard-rock pour la distraire avant de me rendre compte que la nuit elle se reposait dans le jardin d’enfant en regardant au loin, le regard perdu dans le vide. On fini par comprendre que le prêtre est mort et on s’imagine aisément qu’elle à pris sa suite et qu’elle est sûrement affectée par sa mort.

La phase mettant en avant la prêcheuse

Parfois, la mort se fait plus présente encore que par le biais des histoires que l’on entend (si tant est que l’on puisse dire ou entendre dans un jeu comme Dropsy). Comment ne pas se sentir profondément triste quand on part aider le petit oiseau qui nous rejoint pour qu’il retrouve sa mère et qu’on retrouve celle-ci morte dans une caisse ? Une fois le corps ramené au cimetière et enterré, l’oiseau nous remercie. Une profonde mélancolie se dégage de Dropsy et dans sa quête pour aider les autres à aller outre la douleur d’avoir perdu un être cher, c’est Dropsy lui-même qui essaie d’aller outre la mort de sa mère.

 

Les deux frères réunis

Le pardon est une autre thématique forte du jeu car Dropsy va essayer d’obtenir le pardon à travers sa quête, comme indiqué plus haut. Mais de la même manière que le jeu met en miroir l’acceptation de la mort de sa mère par Dropsy à travers les autres personnages, certains protagonistes cherchent aussi le pardon. En particulier le personnage roux que l’on croise dans la ville et dont on se rend compte qu’il a perdu de vue son frère quand celui-ci a basculé dans la folie et s’est exilé sur une île. Une bonne partie de notre temps sera consacrée à trouver ce frère que tout le monde croit fou et à amener la réconciliation entre les deux personnes.

Les amis de Dropsy modifiés par le chef du laboratoire

Enfin, l’amour dans le jeu est omniprésent à mesure que le joueur vient en aide aux autres personnages. La peur et la haine qu’ils éprouvent face à Dropsy se transformant petit à petit en amour au fur et à mesure de l’avancée du jeu. C’est par amour pour son père que Dropsy travaille pour le fabricant de médicament même si tout le monde voit bien que c’est le méchant du jeu. Son père lui répète d’ailleurs plusieurs fois combien il l’aime et combien il est fier de voir son fils grandir à travers cette aventure. C’est d’ailleurs grâce à l’amour que Dropsy arrive à faire face à ses amis transformés en monstre par le chef du laboratoire.

Voilà, j’espère que cette analyse un peu plus poussée de Dropsy vous a plu et ne pas avoir été trop loin dans mon interprétation. Il manque certainement certains axes ou certains points que j’ai laissé de côté ou tout simplement loupé, mais cela sera l’occasion de pouvoir en discuter et en débattre avec vous.

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