[Indie Games Play 2016] Les indépendants des années 1970 à 80

Lors de l’édition 2016 de l’Indie Games Play à Montreuil, Douglas Alves, journaliste vétéran dans le milieu du jeu vidéo, spécialiste et créateur dans le retrogaming et historien vidéoludique s’est penché sur l’histoire du jeu vidéo indépendant. Voici donc une rétrospective non-exhaustive de la scène indépendante à partir des années 70 jusque dans les années 80.

Aparté sur les prémices du jeu vidéo

Il faut comprendre qu’à cette époque les ordinateurs sont d’énormes tours qui prennent plusieurs étages. Ainsi, il était difficile d’en posséder un soi-même, c’est pourquoi on les trouvait uniquement dans les laboratoires et campus universitaires. Dans les années 50 et 60 plusieurs expérimentations scientifiques ont lieu dans le domaine de l’informatique. L’une des plus notables reste Tennis For Two créé par William Higinbotham en 1958 lors de l’exposition annuelle du Laboratoire national de Brookhaven. Il s’agit d’un simulateur de tennis affiché sur un oscilloscope dont la physique impressionne de réalisme. Ensuite, ce furent les créations faites au sein des campus qui firent faire un pas de géant au monde vidéoludique. Considéré comme le premier jeu vidéo, Spacewar!, créé par plusieurs étudiants du MIT (Massachusetts Institute of Technology) en 1962, plonge le joueur dans une bataille spatiale. Le jeu était présenté en démonstration lors de journées portes ouvertes. Puis vint le temps de l’arcade dans les années 70 avec le premier grand succès de notre média : Pong créé en 1972 par Nolan Bushnell. Il se servira de l’argent gagné pour créer une compagnie, Atari, qui nous apportera l’une des premières consoles de salon à succès : l’Atari 2600 en 1977.

Le jeu indé sur arcade et consoles

Dans les années 70, il fallait être avant tout ingénieur pour être indépendant. En effet, pour créer son propre jeu vidéo, il était indispensable de créer sa propre borne d’arcade pour ensuite la vendre à un éditeur car les consoles dédiées aux jeux vidéo n’existaient pas encore. Le marché de l’arcade croît et permet de démocratiser le jeu vidéo. Cependant, après presque 10 ans de croissance, le marché connaît son premier krach boursier et industriel en 1983 dû au flot astronomique de jeux de mauvaise qualité. Les petites sociétés de jeux vidéo se font racheter par des sociétés bien plus importantes comme ce fut le cas avec Atari par Warner Communications quelques années plus tôt en 1976. L’arrivée de l’Atari 2600 va transcender le marché, le jeu vidéo n’est plus dans les salles d’arcade mais directement chez l’utilisateur. On comprend rapidement que l’intérêt d’une console n’est pas son hardware mais bien les jeux proposés. Les développeurs de jeu dépendent donc de l’éditeur. David Crane, un des développeurs de chez Atari, va se rendre compte qu’il fait générer beaucoup d’argent contre une maigre paye. De ce fait, il va demander une augmentation auprès de son nouveau patron, Ray Kassar, qui va le lui refuser. David Crane démissionne et crée sa propre entreprise – qui est bien connue aujourd’hui – Activision. Elle va être le premier développeur et éditeur indépendant de jeu sur console. Activision met ses développeurs en avant jusque dans les publicités à la télévision où figuraient les noms de ceux-ci.

Le jeu indé sur ordinateurs

C’est en 1977 que les ordinateurs font leur apparition dans nos maisons. L’Apple II est une avancée non négligeable car il est le seul de l’époque à pouvoir afficher des pixels (6 couleurs), contrairement à ses concurrents qui utilisent uniquement les caractères typographiques. Malgré des ordinateurs de plus en plus accessibles, tels que le TRS-80 de Tandy RadioShack ou le Commodore PET 2001 de Commodore International, le manque de RAM reste un problème dans le développement de logiciels complexes. Les premiers développeurs indépendants de jeux sur ordinateurs s’adonnent à leur passion en relevant des défis techniques comme convertir un jeu d’arcade en jeu PC. Un échange de bons procédés commence entre les boutiques et les développeurs : de la technologie contre des logiciels permettent de réduire les coûts et d’augmenter les expérimentations. Atari converti sa console en ordinateur et ainsi le scoll et le sprite sont désormais possibles et, surtout, plus simples à utiliser. Cependant, Atari ne donne pas la documentation technique au complet aux indépendants car ils pensent que si elle reste secrète, ils resteront les leaders du marché. Chose vaine puisque rien ne reste très longtemps secret dans ce milieu et Commodore l’a bien compris en donnant toute la documentation de son VIC-20 destiné au grand public. Ainsi naîtra la première génération de « Bedroom Developers », les personnes qui développent chez elles. Pour vendre leurs jeux, les développeurs indépendants s’occupent de tout : ils promeuvent leurs jeux par les petites annonces avant de copier chaque exemplaire sur disquette pour les expédier par La Poste afin de les retrouver en magasin.Le Commodore PET 2001

L’exemple d’EA

Trip Hawkins fait partie des premiers employés d’Apple. Il a toujours été intéressé par le jeu vidéo et rêve de manager une équipe de créatifs pour en faire. C’est en 1982 qu’il décide de créer Electronic Arts. Il donne la possibilité aux créatifs d’accéder à la technologie et l’édition nécessaires à la création de jeux vidéo tout en les reconnaissant comme des artistes. EA met le nom de chaque auteur du jeu avec leur photo professionnelle dans leur communication. M.U.L.E, le premier grand succès du studio, était dans une jaquette qui ressemblait à un vinyle et dans lequel on avait la photo des développeurs comme les rockeurs d’époque. Cette distinction permet de promouvoir et de changer l’image des développeurs de jeux vidéo qui étaient jusqu’alors considérés comme des boutonneux dans leurs garages.

Le jeu indé au Japon

Au début des années 80, le volume de ventes d’ordinateurs au Japon est passé devant celui des Etats-Unis. Effectivement, la calligraphie japonaise est d’une telle richesse que pouvoir l’unifier et l’écrire simplement à l’aide d’un clavier suffit à faire des ventes astronomiques. Les ordinateurs démocratisés, les jeux pouvaient s’épanouir au Pays du Soleil Levant, si bien que certains ordinateurs contenaient déjà Super Mario Bros. Special et une librairie de plus de 4000 jeux. Cependant les indépendants retrouvent les mêmes problèmes que les occidentaux et beaucoup doivent se réunir pour vendre. A cette époque, Square devait engager des étudiants pour dupliquer les titres sur disquettes toute la nuit pour cause de fonds insuffisants. Takeru est la première machine distribuant des jeux indépendants. Celle-ci était connectée en réseau et permettait de copier un jeu sur une disquette vierge. Un véritable petit bijou qui a permis une distribution rapide, efficace et peu coûteuse.

Cette courte conférence donne un bref aperçu de ce qu’a été le jeu indépendant dans les années 70-80. Les indépendants de cette époque devaient relever des défis technologiques, de développement et éditoriaux pour avoir la chance de voir leur jeu sortir. On prend plus conscience de l’opportunité qu’on a aujourd’hui pour concevoir nos jeux.

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