[TEST] Kingdom Come : Deliverance, la Bohême, la Bohêmeeeeuh !

En tant qu’historien passionné, l’arrivée de Kingdom Come : Deliverance a résonné de manière particulière pour moi. Le jeu tente une approche qui essaie de mêler les mécaniques de gameplay se rapprochant des RPG à l’occidentale – du type de Skyrim – tout en affichant une volonté de fidélité historique. Un cocktail séduisant dans la théorie et nous allons donc voir si tout cela est suivi par les faits ou si ces annonces n’avait pour but qu’un effet d’annonce. Voici donc notre avis sur Kingdom Come : Deliverance dans ce test.  

Un scénario accrocheur et très travaillé

Kingdom Come : Deliverance raconte l’histoire du jeune Henry, qui vit dans la petite ville de Skalice, dans la Bohême du XVème siècle. Tout semble aller dans la vie de notre héros – il est proche de se fiancer avec une jeune femme, il est sur les traces de son père pour reprendre la forge familiale – hormis le fait qu’il semble doué pour s’attirer des ennuis. Tout va basculer lorsque son village se fait attaquer par les troupes de Sigismond du Luxembourg, qui essaie de s’approprier le pays aux dépends de son demi-frère, Wenceslas IV, qui s’avère être peu à-même de diriger son empire. Tous ses proches, ou presque, figurent parmi les victimes de ce raid meurtrier et Henry va alors chercher à se venger.

Et voici Henry !

Un mélange entre enjeux globaux, politiques et la destinée très personnelle du personnage que l’on suit est une belle réussite pour le titre de Warhorse Studio et permet de voir le monde que l’on parcourt avec différents niveaux d’échelles. Et ceci même si on suivra, bien évidemment, avant tout la progression de Henry. Les seuls problèmes que l’on peut reprocher à Kingdom Come : Deliverance du point de vue de la mise en scène relève surtout des nombreux bugs qui jalonnent les différentes parties du jeu (nous y reviendrons, car ces bugs touchent ou ont touché le jeu de différentes façons).

En effet, si les séquences sans dialogues et orientées sur l’action, le problème n’est pas tellement gênant – le jeu offre quelques moments très forts, comme lors de la fuite de Skalice, par exemple – mais les conversations avec les autres personnages peuvent parfois complètement nous sortir de l’histoire tant les soucis sont nombreux. Entre doublages qui sautent, qui changent de langue en pleine conversations, de même pour les sous-titres (il m’est arrivé de me retrouver avec des sous-titres anglais et les voix allemandes, fameux) qui accompagnent les classiques problèmes de synchronisation labiale, vous avez un tableau – pas forcément exhaustif – des problèmes rencontrés et qui peuvent être très dommageable pour l’immersion.

 

Une valeur historique en question

Il y a également un autre point que je voudrais évoquer ici avec vous. Il concerne la valeur historique supposée ou avérée de ce Kingdom Come : Deliverance. Pour ceux d’entre vous qui ont suivi l’actualité autour du jeu de Warhorse, il n’aura certainement pas échappé qu’une petite polémique était née, notamment quant aux orientations idéologiques de l’un des co-fondateurs du studio créateur de Kingdom Come : Daniel Vávra. Si débattre des avis politiques des uns et des autres n’est clairement pas l’objet de cet article, je ne peux m’empêcher de vouloir relativiser le bien-fondé des accusations qui ont été portées vis-à-vis du résultat final, non pas en tant que joueur mais plutôt sous ma seconde casquette, celle d’historien.

En effet, vous ne croiserez pas de personnage de couleur dans Kingdom Come : Deliverance. Cela est-il une honte et un non-sens historique ? Selon moi, et d’autres collègues historiens avec lesquels nous avons discuté de la question : non, cela n’est pas un scandale. Cela ne veut pas dire qu’il était impossible que cela arrive à l’époque – il restait, en effet, certains descendants de vagues d’invasions venues d’Extrême-Orient – mais que la probabilité était faible selon les zones géographiques. Certains blogs ont pris l’initiative intéressante, et qui a le mérite de constituer une argumentation, de rechercher des sources qui mettrait à mal la vision du studio Warhorse. Le problème réside dans le fait que quand on fait une recherche en voulant trouver quelque chose en particulier, on finit forcément par trouver ce qui nous arrange (c’est l’une des bases sur lesquelles on apprend la recherche historique et ce qu’il ne faut pas faire pour la mener à bien). C’est ce qui semble ressortir de beaucoup de ces exemples, dont les sources ne peuvent pas être considérées comme représentatives de la vie sociale du peuple en lui-même. Dans tous les cas, déduire du résultat proposé par Kingdom Come l’extrême racisme de Daniel Vávra me semble particulièrement exagéré.

Pour revenir à des sujets plus légers, il faut signaler que pour plein de petits détails, le jeu nous propose un tableau plutôt fidèle de ce que pouvait être ce type de région à cette époque. L’organisation des villes et villages est également intéressante car elle prend en compte les statuts sociaux et les cas particuliers – les forgerons étaient, par exemple, toujours en dehors du reste des villages, ce qui est retranscrit ici. En bref, le constat est plutôt positif même si, en effet, la composition ethnique de la population aurait pu être un peu plus subtilement dépeinte – sans que cela soit un scandale, hein, rappelons-le. J’ajoute qu’il est fort probable que j’écrive un article un peu plus spécifique sur ces sujets un peu plus tard.

 

Techniquement pas au point

Il est un point un peu plus terre-à-terre sur lequel la plupart des joueurs seront d’accord, le jeu se révèle très inégal dans sa réalisation et la technique qui le porte se révèle parfois chancelante. La preuve ? Dès que vous vous mettez à courir, vous sentez que le jeu décroche un peu et il n’est pas rare que quelques saccades se fassent sentir. De manière générale, la fluidité n’est pas exceptionnelle et les fluctuations sont parfois un peu trop nombreuses dans le framerate. Lors de notre test sur Xbox One X, sur laquelle le jeu est censé être optimisé, on sent que le jeu a des difficultés à garder un niveau de fluidité correct. C’est bien dommage.

Graphiquement, il semble qu’il faille distinguer différents types de lieux qui ne nous proposent pas les mêmes rendus. Les phases où l’on se promène dans la nature sont réellement jolies visuellement, avec une végétation qui rend les différents lieux traversés agréables à l’œil. A l’inverse, les décors urbains sont plus neutres et ressortent moins. On a l’impression que les textures y sont moins détaillées dès qu’on regarde d’un peu trop près. Même constat pour les PNJ que l’on croise, pas franchement très expressifs (et sortant parfois des phrases random quand vous passez à côté d’eux et qui n’ont aucun rapport avec le contexte, encore un coup de bugs).

 

Un système exigeant et intéressant

Kingdom Come : Deliverance pourrait se comparer, de loin, à un jeu comme ceux de la franchise des The Elder Scrolls : vue à la première personne, monde ouvert, interactions nombreuses avec le monde autour du personnage contrôlé. Ceci étant dit, le jeu est assez différent dans l’approche globale d’un titre comme Skyrim. Le jeu de Warhorse Studios a une approche plus narrativisée, avec une prise en main du joueur un peu plus forte, malgré l’ouverture du monde du jeu. Ainsi, sans être très dirigiste, le jeu nous oriente tout de même vers des destinations plus que d’autres afin de ne pas rompre la continuité du scénario. A ce titre, les quêtes annexes sont relativement peu nombreuses mais bénéficient d’une écriture globalement très soignée et qui fait que l’on se prend à se « perdre » un peu dans ces quêtes qui pourraient presque se confondre avec la trame principale. C’est une bonne chose, même s’il faut admettre que la mise en avant des différentes quêtes n’est pas toujours parfaite via la carte que le joueur peut utiliser pour se repérer, pas toujours très claire.

Une carte pas toujours très claire.

Le gameplay des combats peut paraître un peu complexe au premier abord, dû à la faiblesse initiale de Henry. Cela s’arrange par la suite, avec une meilleure maîtrise de la part du joueur également et lorsque l’on commence à avoir des armes et équipements intéressants. Dans tous les cas, il faudra souvent chercher différentes façons d’atteindre les objectifs des missions. C’est également une belle réussite, l’aspect réaliste du jeu dans la gestion du personnage principal fait que l’on a tendance à chercher plusieurs solutions avant de se lancer dans l’une d’elle pour accomplir l’objectif. Kingdom Come : Deliverance peut avoir tendance à décourager les joueurs, surtout dans les premières heures. Le jeu est, en effet, très exigeant. Symbole typique de cette exigence : le système de crochetage, très compliqué dans les premières heures, plus accessible ensuite.

Il faudra également faire attention au fait que Henry peut avoir faim et mourir si jamais on ne subvient pas à ses besoins dans des proportions trop exagérées. Globalement, le fait de devoir dormir et manger afin de rester en forme se marie très bien avec le concept du jeu, de même que le système de sauvegarde manuelle qui impose de devoir disposer d’un objet spécifique pour pouvoir effectuer une sauvegarde de la progression à l’instant T. Pas de panique, le jeu sauve tout de même la partie à certains points clés de manière automatique. Signalons tout de même que certains de ces systèmes vont être réadaptés dans la future mise à jour 1.3, espérons que cela ne dénaturera pas la vision initiale.

 

Verdict

7/10

Kingdom Come : Deliverance est une production pleine de bonne volonté et qui propose de bonnes idées et un univers très agréable à parcourir. La narration et l’intérêt des quêtes annexes sont au rendez-vous et vous devriez prendre plaisir à vivre cette aventure. Ceci étant, en l’état, le jeu ne mérite pas de note plus élevée à cause de ses très nombreux bugs, parfois bloquants, et de freezes qui, conjugués au système de sauvegarde peu permissif, peuvent parfois vous coûter cher en heures de jeu. Je reviendrai sur cette note si le patch 1.3 apporte les changements et améliorations attendus.

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