Comme promis, nous allons vous parler de la dernière conférence à laquelle nous avons assisté lors du BGF 2016 en mai dernier, consacrée au célèbre justicier Batman. Deux artistes comics ont répondu présent pour nous donner, entre autres, leur vision de ce personnage majeur de DC Comics et répondre aux différentes questions. Il s’agit d’Alessandro Vitti, dessinateur italien qui a notamment travaillé pour Marvel Italie sur la mini-série X-Men appelée X-Campus et DC Comics sur Batman Eternal, et Álvaro Martínez, qui s’est illustré chez Marvel sur Ultimate X-Men puis sur des séries DC comme Aquaman ou bien encore Batman Eternal. Compte rendu d’une conférence pour le moins intéressante sur le chevalier noir.
« Who is the Batman ? »
Vaste question qui est posée à nos deux invités. Pour eux, qui est le Batman ? Álvaro Martínez se jette à l’eau en premier, nous expliquant que pour lui, Batman est un personnage très tourmenté, triste et en même temps extrêmement idéaliste. C’est quelqu’un qui veut faire le bien, souhaitant vraiment éradiquer le mal. Artistiquement, Batman n’est pas forcément le plus intéressant à dessiner cependant, il l’est graphiquement parlant. Il est facile à dessiner car ce sont des masses de noirs, gris et bleu mais avec ce personnage, il est possible de jouer avec les bases de noir et d’obtenir des rendus totalement différents. Ce qui fait également l’attrait graphique de Batman c’est son décor, en l’occurrence la ville de Gotham, avec tous ces buildings et cette architecture spéciale, un peu gothique qu’on ne retrouve nulle part ailleurs dans les comics. Pour Martínez, c’est un vrai challenge de dessiner cette ville.
Alessandro Vitti nous parle alors de sa vision de Batman, qui est un personnage qu’il adore dans sa globalité car il trouve que tout est intéressant dans son univers. Que ce soient les personnages principaux ou les personnages secondaires, les méchants ou les gentils. Il adore Batman mais c’est un personnage qui lui fait aussi un peu peur car quand il a commencé à le dessiner, il a ressenti une sorte de poids sur ses épaules car il ne voulait pas le dénaturer. Une grande responsabilité pesait sur lui, cependant elle lui a permis de se challenger et de réaliser une multitude de détails dans ses dessins. Il partage également la vision d’Álvaro Martínez au sujet du caractère de Batman mais rajouterait que c’est quelqu’un d’assez « énervé », car le meurtre de ses parents le hante véritablement depuis son enfance et constitue un élément moteur lors de sa croissance. Il regrette, d’ailleurs, que dans l’univers de Batman cet aspect humain de ce traumatisme d’enfance soit mis un petit peu à l’écart au profit des relations que Batman peut avoir avec d’autres personnages de DC par exemple. De son point de vue, il serait intéressant de creuser justement la partie humaine de ce traumatisme.
©DC Comics/Greg Capullo
« Belissima Demand ! »
Voilà ce qu’a répondu Alessandro Vitti face à l’une des questions posées, à savoir s’ils étaient d’accord pour dire que les ennemis de Batman sont les meilleurs de tous les personnages de comics et si d’après eux, cela vient-il de Batman lui-même – la façon dont il est – ou juste du fait qu’il y ait eu de bons créateurs dans le passé. Batman n’est pas un super héros totalement positif, commence Vitti. Comme il le disait précédemment, le traumatisme qu’il a eu étant enfant a créé en lui une énorme rage et cette rage fonctionne comme l’effet domino. A partir du moment où un domino tombe, si on est à l’intérieur de la chaîne, on va se retrouver emporté. Et effectivement, les ennemis nous apparaissent peut-être beaucoup plus méchants du fait que le super-héros lui-même n’est pas « tout blanc » et ne représente pas un symbole de pureté.
Álvaro Martínez partage alors son avis sur la question. Il a fallu créer des ennemis à la hauteur de Batman, qui soient crédibles scénaristiquement parlant. Pour lui, c’est donc quelque chose que l’on doit beaucoup aux auteurs car quand on regarde la galerie des ennemis de Batman, ils auraient très facilement pu être ridicules. Prenons l’exemple du Pingouin, qui n’a pas l’air effrayant ou menaçant de prime abord. Il reste néanmoins crédible en tant que méchant, car les auteurs ont su par le passé, donner une dimension à ces personnages là et ont réussi à les élever et en faire une menace réelle.
Frank Miller/Alan Moore : des auteurs qui ont marqué les esprits et l’univers Batman
La meilleure histoire de Batman pour Alessandro Vitti est The Killing Joke d’Alan Moore – dessiné par Brian Bolland. Outre le fait que cela présentait l’histoire du Joker, il montre également que la violence appelle la violence et qu’au final, les ennemis dans l’univers de Batman ne sont que l’autre revers de la médaille. Cette médaille, avec les deux forces qui vont s’affronter avec la même puissance et qui, au final, réagissent quasiment de la même manière. D’un point de vue graphique, il adore cette histoire car les expressions faciales sont vraiment très intéressantes. Il a également aimé The Dark Knight Returns de Frank Miller, qui est pour lui le premier album – en Italie, il était présenté sous forme de livre, en édition intégrale – qui l’a introduit à l’univers des comics de manière générale et l’a fait réfléchir à ce qu’il allait faire de son don pour le dessin.
Tout comme Alessandro Vitti, Álvaro Martínez a deux histoires préférées. Batman Year One de Frank Miller – Année Un en français – dessiné par David Mazzucchelli et The Dark Knight Returns de Franck Miller. Elles sont pour lui l’alpha et l’oméga de Batman, le début et la fin. Batman Year One, pourtant écrite 50 ans après les débuts de Batman – pour rappel, Batman fut créé par Bob Kane et Bill Finger – est devenu et reste l’origine officielle du personnage, ce qui est pour lui un exploit remarquable. Et graphiquement parlant, pour lui – et son homologue partage cet avis – il est quasiment impossible voire impossible de faire mieux que Mazzucchelli sur Year One.
©DC Comics/David Mazzucchelli
The last question
La fin de la conférence approche et il est temps de la clôturer en beauté avec une question des plus intéressantes. Il est en effet demandé aux artistes la manière dont ils aborderaient le fait de devoir écrire une histoire de Batman. Álvaro répond que comme c’est un personnage plutôt malléable, dans le sens où l’on peut le situer dans énormément d’histoires différentes – intrigues policière, histoires terrifiantes, etc – et qu’il existe depuis 1939, pas mal d’histoires et donc de traitements ont déjà été faits. Il faudrait donc toutes les lire pour savoir ce qui n’a pas été écrit et en créer une nouvelle. Dans son cas, il aimerait écrire une histoire sur Alfred, car à priori il n’y en a pas tant que ça.
Alessandro Vitti, lui, aurait une histoire qui lui tiendrait vraiment à cœur qui serait de raconter les origines de Batman avec un Bruce Wayne pauvre. Cela changerait donc beaucoup de choses car il n’aurait pas le luxe de se créer son arsenal comme la batmobile et tous ses gadgets, ça serait donc purement de la violence de rue. Cette volonté de faire un Bruce Wayne pauvre vient notamment du fait que, pour lui, les super-héros de manière générale sont très idéalisés, il aimerait donc que Bruce Wayne soit « un monsieur tout le monde » qui devienne un héros et pas un homme piqué par une araignée.
On ne vous avait pas menti, cette conférence était réellement intéressante pour diverses raisons. Elle nous a permis de voir Batman à travers les yeux de deux artistes qui ont grandi avec et ont même travaillé sur des histoires de ce personnage mythique. Alessandro Vitti travaille actuellement sur Suiciders, une série Vertigo de l’éditeur DC Comics en plus d’être enseignant à l’Ecole Internationale de Comics Reggio Emilia. Quant à Álvaro Martínez, il sera le prochain dessinateur de Detective Comics dans le cadre de l’opération rebirth, qui commencera en juillet prochain et qui fera redémarrer toutes les séries DC. Nous tenons à remercier les organisateurs du Bordeaux Geek Festival de nous avoir permis de couvrir cette conférence et le salon en général, ainsi que les invités pour leur disponibilité et leur bonne humeur. Espérant que les articles sur ce salon vous aient plu, nous serions ravis de renouveler notre expérience BGF l’année prochaine afin de vous la faire partager !
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