Metal Gear Solid V est un peu paradoxal. Un titre caméléon qui fait un grand écart improbable entre tour d’honneur rempli de fan service et changement complet de direction pour accueillir les nouveaux joueurs.
Il y a des séries qui inspirent leurs fans et leur insufflent une ferveur bien à part. Que ce soient Final Fantasy, Call Of Duty ou Metal Gear Solid, soit vous “savez” soit vous “ne pouvez pas comprendre”. Dans le cas de Metal Gear, cela dit, il faut presque connaître la série sur le bout des doigts du début à la fin pour avoir la moindre chance de pouvoir suivre, et donc comprendre. Il m’aura fallu presque autant de temps pour finir ce test qu’il en aura fallu à Kojima pour finir Metal Gear Solid V… J’espère juste que je ne vais pas foirer la fin autant.
J’ai toujours bien aimé Metal Gear. C’est une série unique qui combine des mécaniques extrêmement détaillées (à un niveau qui touche au ridicule) et une histoire pilotractée comme on en trouve que dans les mangas. Ça peut paraître assez sarcastique comme compliment, mais je pense vraiment que MGS est à apprécier avec une bonne dose de kitch. Une chose reste sûre, que vous soyez amateur de la série ou pas, Metal Gear est le bébé de Hideo Kojima. Aucun jeu vidéo n’est plus le produit du cerveau de son créateur que Metal Gear est celui de Kojima. Même Miyamoto n’a pas gardé un contrôle aussi jalousement exclusif de Mario.
Metal Gear Solid V est un peu l’apothéose de l’omniprésence de Kojima dans son propre jeu avec chaque mission présentant de rapides crédits, comme si c’était un épisode d’une série, durant lesquels le nom d’Hideo Kojima apparaît plus souvent que dans les deux derniers paragraphes de cet article (Kojima Hideo, Hideo, Kojima). C’est aussi le titre qui est le plus « un jeu » de la série. Le quatrième volet était une orgie cinématique, enchaînant séquences d’exposition et scènes cinématiques d’action comme si le jeu avait peur de laisser le contrôle au joueur, au cas où il ruinerait le moment que Kojima avait en tête. Peace Walker était bien plus orienté gameplay, mais avec le format portable, on aurait pu croire que c’était dû à la console sur laquelle on jouait. Mais MGS V est de loin le volet de la série qui donne le plus de contrôle au joueur. C’était assez attendu après Peace Walker et Ground Zeroes, mais ça reste une surprise pour les habitués de la série, et une bonne surprise qui plus est.
Quand MGS V avait annoncé le passage au monde ouvert, je dois dire que j’avais de sérieuses réserves. Les développeurs japonais ne sont pas vraiment reconnus pour leurs jeux en monde ouvert et Metal Gear avait toujours paru bien trop dirigiste dans sa narration pour permettre le genre d’expérience au gameplay intensif qu’un monde ouvert requiert. Mais c’était sans compter sur la possibilité que Kojima applique son obsession patentée pour les détails à une grande échelle.
Quand le drame autour de la sortie de MGS V par rapport à Konami, qui aurait forcé le jeu à sortir à moitié fini, a commencé à faire surface, je me suis rendu compte que tout ce temps de développement était passé dans la création d’une expérience au gameplay si incroyablement bien équilibré qu’on se demande presque ce qui s’est passé.
Pour être honnête, jusqu’au 4ème volet (et même durant le 4ème, pour d’autres raisons), je ne jouais aux Metal Gear que pour l’histoire rocambolesque. Je subissais le gameplay plus qu’autre chose. Question de goûts, certes, mais ça reste un fait pour moi, Metal Gear a toujours regorgé de détails et de subtilités qui finissaient par passer complètement inaperçu parce que le gameplay était un vrai et constant problème. Mais Phantom Pain est non seulement un vrai plaisir à jouer, mais je dirais qu’il y a là des leçons à prendre pour tous les jeux d’infiltration futurs, ainsi que pour les jeux en monde ouvert.
La structure de Metal Gear Solid V propose une série de missions toutes localisées dans des sections plus ou moins larges d’une zone de jeu ouverte. Les missions principales vous limiteront à une “hot zone” dont vous devrez vous échapper une fois votre objectif rempli, mais les missions secondaires, appelées “Side Ops”, vous laissent une complète liberté de mouvement. Du coup, c’est autant de bacs à sable avec lesquels vous pouvez jouer et que vous serez d’ailleurs appelé à revisiter.
Ça peut paraître un peu problématique de devoir rejouer les mêmes niveaux, et il est certain que si vous faites toutes les missions religieusement, vous allez finir par vous lasser. Malgré tout, c’est aussi une fantastique opportunité de se rendre compte de la grande profondeur des systèmes du jeu. Deux scénarios similaires vont en fait demander deux approches complètement différentes pour garantir un bon résultat. Ou bien vous pouvez tout simplement improviser complètement et vous émerveiller devant la manière dont le jeu semble avoir prévu tous les scénarios possibles que vous pourriez avoir en tête.
Que vous aimiez la voix du fantôme, qui évite tout le monde et endort tous ceux qu’il peut pour les envoyer gonfler les rangs de sa “mother base”, comme moi, ou que vous vouliez vous la jouer plus Rambo, à faire pleuvoir les grenades avec un hélicoptère de support qui tire ses roquettes en gueulant La Chevauché des Valkyries de Wagner (ou Kids in America… Ou The Man Who Sold The World… Ou tout ce que vous voulez sur PC en fait), vous pouvez. Et vous allez vous éclater autant, que vous choisissiez l’un ou l’autre.
Evidemment, le fait que ces grands mondes ouverts soient en plus vraiment superbes à regarder ne gâche rien. Sur ce point, le Fox Engine mis au point pour MGS V fait un superbe travail. C’est éventuellement moins remarquable après les autres titres de cette année qui semblent avoir trouvés le moyen de rendre un monde ouvert magnifique, mais ça ne retire rien au plaisir que MGS V représente pour les yeux.
Vient ensuite la question épineuse de l’histoire… Pas facile d’aborder MGS sans parler de ce qui a déchiré les fans et les détracteurs de la série depuis le premier Solid, et qui plus est sans mettre les pieds dans les spoilers et risquer de ruiner le plaisir. Il est évident que ce dernier volet tranche sacrément avec la tradition de la série. Plus que le changement de la voix de Snake en anglais (bye David Hayter, bonjour Kiefer Sutherland), c’est le clair changement de ton de la série qui tranche. Des cinématiques d’exposition à n’en plus finir, on passe à un désert narratif qui ferait presque penser à Dark Souls. Certes, les thèmes de Metal Gear sont bien là, les boss fantastiques font plus ou moins leur apparition, mais on est loin d’un MGS 3 et de ses incroyables boss à l’histoire et la personnalité si marquantes, ou MGS 4 qui n’en finissait pas de vouloir vous raconter l’histoire plutôt que de vous laisser la jouer.
Phantom Pain a fait un tour de passe-passe et l’histoire s’est retrouvée reléguée au dernier rang. Un constat encore plus évident quand on voit que la dernière mission du jeu est tout simplement absente, avec des implications monumentales quant à ce que les joueurs ratent à cause de cette omission. Je ne vais pas tout gâcher, mais vous pouvez vous ruiner la surprise en regardant ça sur Youtube… Finissez le jeu avant cela dit, ce serait dommage autrement. Certes, une partie de la responsabilité de cet échec est à mettre à la charge de Konami, qui a forcé le jeu à être mis en vente avant qu’il soit vraiment fini, mais quand on voit le temps passé par Kojima sur le personnage de Quiet et comment son histoire se termine en queue de poisson, on regrette qu’il nous ait infligé ces scènes de douche franchement idiotes au lieu de finir l’histoire principale d’abord.
Le débat autour de Quiet est un point qui me reste en travers de la gorge. Ce personnage a le potentiel pour être vraiment génial. Elle est, de loin, le meilleur compagnon d’un point de vue gameplay, tant elle aide à nettoyer les bases adverses en deux minutes et la raison donnée pour sa quasi nudité à tout moment est… narrativement expliquée. Sauf que des ennemis que vous affrontez sont exactement dans le même cas qu’elle, mais elles portent des combinaisons intégrales, ce qui rend la position de Quiet ridicule. Mais le plus énervant, c’est probablement l’hypocrisie de Kojima sur la situation. Je vous invite à regarder la vidéo qui suit et à me dire qu’une seule des poses ultra suggestives prises par Quiet dans cette scène apporte quoi que ce soit au personnage, ou qu’il s’agit d’autre chose que d’une caméra se comportant comme un voyeur.
C’est ridicule, ça fait passer le personnage pour un objet et ça ne lui apporte rien. Et si Kojima avait au moins la décence de dire “j’aime bien voir une femme à moitié nue se trémousser devant moi, j’assume” je serais premier à dire, “moi aussi”. Mais là, c’est hypocrite, et ça rend le tout répugnant. Je dois dire que ce côté des Metal Gear n’est pas une nouveauté, mais ça ne le rend pas moins énervant à chaque fois. Je pense que dans un jeu comme MGS V, c’est juste un peu plus difficile à avaler quand le reste du ton du jeu essaie de rester si sérieux (alors que les autres volets de la série portaient leur kitch avec fierté).
La dernière partie du jeu m’a vraiment laissé un goût amer de “pas fini”. Certes, il y a du bon, il y a même du très bon. Mais une fois la porte ouverte, on se rend vite compte qu’il y a quelque chose qui manque et qu’on voit trop facilement les fils qui tentent de recoudre les bouts ensemble.
Verdict
8/10
Metal Gear Solid V : The Phantom Pain est un titre un peu schizophrène. Une nouvelle formule pour le monde ouvert qui apporte un vent de fraîcheur au niveau du gameplay avec une complexité des systèmes et une intuitivité de la prise en main qui permet d’être continuellement surpris par le jeu. Une histoire bâclée qui montre ses coutures un peu trop facilement et contentera seulement les fans les plus hardcores. Mais j’ai quand même passé plus de 60h dans ce jeu, et j’en ai aimé chaque minute durant lesquelles mes mains étaient sur la manette… C’est uniquement quand l’histoire prend le devant qu’elle alterne moments brillants et et ceux qui laissent de profonds regrets. Mais si vous êtes prêts à laisser passer cela, il y a tout de même un fantastique jeu ici, avec une histoire presque passionnante.
Laisser un commentaire