[TEST] Detroit : Become Human, Mazel tov Asimov !

Dernier né du studio Quantic Dream, Detroit : Become Human (qu’on abrégera en Detroit pour faire plus simple) vient donc de sortir. J’ai ainsi pu jouer à la dernière exclusivité PlayStation 4 en date chez Sony, l’occasion de vous dire ce que j’en ai pensé. L’occasion aussi de rappeler que le jeu sort pile durant l’œil du cyclone pour Quantic Dream, en attente du jugement dans le procès qu’elle intente à plusieurs rédactions pour les articles qu’elles ont publié sur le studio.

Les trois lois de Quantic Dream

Les environnements sont réussis.

Les jeux se suivent et se ressemblent un peu pour Quantic Dream, Detroit ne fait pas exception puisqu’il s’agit du même genre que pour Heavy Rain ou Beyond Two Souls. Il s’agit donc d’une expérience à forte teneur narrative où il va principalement s’agir de faire des choix et des QTE pour faire avancer l’histoire. Ceux ayant déjà joué aux jeux du studio reconnaîtront immédiatement la marque de fabrique de ce que l’on peut qualifier de style « Quantic Dream ». Detroit se situe dans cette lignée avec des acteurs et de la motion capture (ou mocap comme disent ceux qui aiment les abréviations).

Salauds d’androïdes !

L’histoire, ou plutôt les différentes versions possibles de l’histoire, nous narre un futur proche où une société a créé des androïdes pour faciliter la vie des gens. Le premier petit souci, c‘est que les androïdes ont rapidement pris la place et surtout le travail de nombreuses personnes (on rencontre souvent des personnes qui protestent en criant : « Ils nous piquent not’ travail ! »). Le deuxième problème, c’est que certains androïdes ont tendance à devenir conscient d’eux-mêmes et commencent à se demander en quoi ils sont différents des humains et pourquoi ils devraient travailler gratuitement (des salauds de gauchistes, ces androïdes !). Voilà pour le point de départ de l’histoire.

Un jeu où on se sent à Detroit

Les fameuses QTE chers à Quantic Dream

Avant de parler du gros morceau que constitue l’histoire et la narration dans Detroit abordons, si vous le voulez bien (même si vous ne le voulez pas mais, que voulez-vous, j’aime bien être poli), les autres aspects de Detroit. En premier lieu, les graphismes font un bond assez impressionnant. Il est certain que la motion capture permet de donner un aspect « réel » et de renforcer l’impression de voir des personnages interagir comme de « vraies » personnes mais même les environnements bénéficient d’un vrai travail qui rend la ville dans laquelle nous évoluons assez crédible. Il n’y a vraiment pas grand-chose à redire. De ce côté-là, Détroit met la barre assez haut.

Niveau gameplay, je vous le disais au début, on reste dans du Quantic Dream classique à base de QTE et de choix à faire. Les personnages ont toujours cette inertie propre aux jeux du studio, ce qui en fera soupirer plus d’un. Surtout, quand on veut vérifier tous les recoins d’un niveau, cela peut donc prendre un petit moment. Le jeu propose toujours deux modes, débutant et expert qui influent sur la difficulté des QTE. Notons que les interactions avec les objets ont été quelque peu revues : finies les QTE pour faire des omelettes, les interactions ont ici un peu plus de sens même si elles restent parfois un peu absconses. Autre point à soulever, une utilisation, pour une fois, pertinente du pavé tactile de la dualshock 4 avec, pour le coup, des interactions qui ont du sens.

Hasta la victoria siempre, Comandante Markus !

Dur lendemain de soirée…

Il est maintenant venu le temps de vous parler de l’écriture de Detroit, qui lorgne du côté de Heavy Rain avec ses multiples personnages et leurs histoires entremêlées. La narration est plaisante à suivre, pas de souci là-dessus. On prend plaisir à découvrir l’histoire, les différents personnages et l’évolution de leurs trajectoires. Les personnages sont au nombre de trois : Kara, qui arrive dans une famille pour le moins dysfonctionnelle (avec un père junky et violent), Markus accusé à tort d’un meurtre qu’il n’a pas commis et qui va se retrouver à gérer la révolution des androïdes et Connor, un androïde enquêtant sur ceux de son espèce considérés comme déviants (en bref, ceux qui prennent conscience d’eux-mêmes). Comme je le disais, l’histoire est plaisante et procure parfois même des émotions ce qui était auparavant un des points faibles des précédents jeux du studio. Il est indéniable que l’on se sent impliqué et préoccupé par le sort des personnages que l’on suit et il serait malhonnête de dire le contraire. Sur ce point la réussite est importante.

Que serait un jeu sur les androïdes sans une allusion au sexe avec des robots ?

Mais si, d’un côté, la narration est réussie, d’un autre on aurait espéré qu’elle aille un peu plus loin. Je m’explique. Oui, la narration arrive à procurer des émotions, surtout vers la fin du jeu mais cela grâce à des ficelles pour le moins grossières, c’est là toute l’ambivalence du jeu. Arriver au but recherché depuis trois productions : celui de procurer des émotions, mais en utilisant des procédés qui ressemblent à un éléphant dans un magasin de porcelaine. Je n’irai pas plus loin pour ne pas trop en dévoiler sur l’histoire mais cet aspect est bel et bien présent. Le jeu a aussi tendance à surfer allègrement sur de nombreux poncifs sans forcément essayer d’aller plus loin ou d’en proposer une lecture pertinente. On retrouve donc, en vrac, le flic bourru et alcoolique qui refuse son nouveau partenaire, un sex club où les androïdes sont loués pour assouvir les fantasmes de clients pervers, et ainsi de suite. Il y a toujours ce sentiment que Detroit veut faire réfléchir le joueur mais qu’il ne se donne pas toujours les moyens de ses ambitions.

Des trois, le meilleur Quantic Dream

Un certain sens de la mise en scène.

Restons sur la narration pour expliciter un point qui me semble crucial. Tout le principe du jeu repose sur le fait que les androïdes deviennent conscients d’eux-mêmes et, par là même, se posent la question de ce qui les différencient des humains. Selon moi, le principal problème que j’ai eu face au jeu réside dans le fait que c’est justement le joueur qui les rend humain. Je m’explique. Dans Detroit, toute une série de choix et d’événements vont faire que les androïdes deviennent conscients. Or, la personne qui fait ces choix est bien le joueur, qui est, lui, un être humain capable d’empathie. Dès lors, est-ce l’androïde qui devient humain oo simplement le joueur qui appose un comportement humain sur le personnage ?

Le fameux enquêteur bourru qui n’accepte pas son nouveau partenaire.

Cela me fait penser que la question d’une prise de conscience des machines ou, du moins, le questionnement de cette idée ne trouve peut-être pas dans le médium vidéoludique le meilleur traitement possible. Plutôt, le fait de faire jouer un androïde à un humain pour ensuite lui dire : « vous voyez, ils sont comme vous » ne fonctionne pas vraiment puisque le joueur étant humain, il reproduit un comportement humain, la machine n’ayant finalement fait que reproduire ce que lui dit de faire le joueur. Lui dire ensuite que les machines sont aussi capables d’empathie est une fausse conséquence puisque c’est le joueur et pas la machine qui fait preuve d’empathie. Si le joueur avait incarné des humains face à une prise de conscience de machines, la question n’aurait pas été la même puisque les androïdes auraient pris conscience d’eux-mêmes… par « eux-mêmes », sans l’aide du joueur. Il y a là une vrai dichotomie entre la narration et le gameplay qui n’est pas résolue dans le jeu.

Kara Connor ?

Afin d’essayer d’y voir plus clair, j’ai prévu de refaire une partie en essayant de rester dans la peau d’un androïde et d’avoir des réactions d’androïde. Cela me permettra de voir si l’on lorgne plus du côté de Telltale avec une histoire qui doit se dérouler d’une certaine manière. L’occasion de voir aussi si le jeu force les personnages à devenir conscients. En effet, que se passe-t-il si le joueur refuse de faire preuve d’empathie au risque de refuser de faire avancer l’histoire ? Cela sera l’occasion de faire une mise à jour du test qui devrait arriver prochainement.

Mon père plus jeune !

Après avoir fini le jeu une première fois, il va sans dire que ce fut une expérience plaisante même si j’ai quelques réserves sur la narration qui reste un petit peu plan-plan et parfois tire un peu trop sur le pathos pour faire ressentir quelque chose au joueur. Cela fonctionne puisque le joueur, en l’occurrence moi, a bel et bien ressenti des émotions (mais peut être que cela est dû au fait que Markus ressemble trait pour trait à mon père quand il était jeune, qui sait ?), mais la narration manque parfois quelque peu de finesse.

Verdict

7/10

Verdict ? Detroit est sans doute l’aboutissement de la formule Quantic Dream. Est-ce-que cela signifie pour autant que le jeu mérite sa place dans le Valhalla vidéoludique ? Je n’en suis pas sûr. Detroit : Become Human est plaisant, certes, mais pas exempt de défauts pour autant, comme cela a été expliqué plus haut. Si vous aimez les jeux fortement narratifs, il y a de quoi s’occuper et nul doute qu’il vous plaira même si l’écriture n’est parfois pas à la hauteur.

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