Lors du deuxième jour de ce TGS 2017, nous avons assisté à la conférence consacrée aux comics LGBT, animée par Katchoo et en présence de Sonia Smith, rédactrice à Comics Magazine, Florent Degletagne, président de Bliss Comics et Aurélien Vives, spécialiste de Marvel.
Histoire rapide de la représentation LGBT dans les comics
Au début, la question de la sexualité dans les comics est pratiquement ignorée ou minorée. Tout reste dans le non-dit. Par exemple, dans le comic strip Kazy Kat, le personnage principal n’est pas genré par l’auteur. C’est seulement lors de son passage en version animée qu’il deviendra un homme, et c’est d’autant plus clair qu’il a une petite amie dans le dessin animé. Tout cela reste absent dans les comics. La représentation de la sexualité va se faire plus frontale avec les Tijuana Bible qui sont, pour simplifier, des comics à caractère pornographique. Imprimés sur du papier de mauvaise qualité, ils représentent des personnages célèbres (Mickey, Pluto, Popeye) en train de forniquer joyeusement. Dans ces comics strip sont aussi représentés des relations homosexuelles même si elles gardent encore un côté péjoratif (Hitler est gay).
Entre 1938 et 1939, Terry et les Pirates représente une femme lesbienne qui drague ouvertement. Néanmoins, celle-ci reste déguisée en homme. Dans les années 1950 va se produire un profond changement dans le monde du comics. En effet, Wonder Woman apparaît (une île entièrement peuplée de femmes qui vivent très bien sans hommes, quel horreur !) et surtout une vignette qui va faire grand bruit : on y voit Bruce Wayne partager son lit avec Dick Grayson. C’en est trop pour l’Amérique puritaine, la charge est lancée par le psychiatre Fredric Wertham qui publie l’ouvrage Seduction of the Innocent, un livre ouvertement contre les comics, accusés de pervertir la jeunesse. Cette charge contre ces œuvres aboutira à la mise en place du Comic Code qui met fin à toute représentation de la sexualité qu’elle soit hétéro ou homo.
À la fin des années 1960, plusieurs mouvements de libération se structurent (droits civiques, droits des femmes, droits LGBT,…). Si le comic underground prend le pli et publie de nombreuses histoires avec des héros homosexuels, les comics mainstream restent eux extrêmement frileux. Les années 1980 voient se développer une publication et un réseau de distribution de comics LGBT (création de Gay Comics). En 1983, le mot gay est prononcé pour la première fois dans un comics mainstream, en l’occurrence Les 4 Fantastiques. En 1992, pour la première fois dans une publication mainstream (Marvel), un super-héros fait son coming out (Northstar). La situation se normalise à partir des années 2000.
La représentation LGBT dans les comics
Dans les publications mainstream, Marvel est donc le premier à avoir eu un super-héros homosexuel. Mais même avant cette révélation, Marvel avait un sous-texte qui renvoyait fortement à la situation des homosexuels. Le virus Legacy étant un parallèle assez fort avec le SIDA. Chez Chris Claremont, la situation des X-Men se rapproche, ou est en tout cas une allégorie, assez forte de la situation LGBT aux États-Unis. En 2005, un nouveau couple apparaît chez les Young Avengers mais la marge de manœuvre reste toujours assez mince chez les grosses maisons d’édition.
Du côté des comics indépendants, la question est beaucoup plus forte et on trouve même des publications pour le jeune public mettant en avant des couples LGBT comme Jem et les Hologrammes. Il est aussi important de noter qu’aujourd’hui, le fait que tel ou tel personnage soit LGBT n’est plus sa caractéristique principale mais une parmi tant d’autres. Contrairement à avant où s’il y avait un personnage LGBT, l’histoire tournant autour allait traiter de thèmes centrés sur cette question.
Les comics LGBT aujourd’hui
La question LGBT dans les comics a connu deux moments de mobilisation importants. Le premier se produit en réaction à la loi de Margaret Thatcher qui interdisait la « promotion de l’homosexualité ». Alan Moore réunit alors de nombreux artistes et publia AARGH (Artists Against Rampant Government Homophobia), un recueil de quarante histoires. Le second moment de mobilisation eut lieux suite à la tuerie d’Orlando. De nombreux artistes se mobilisèrent pour publier Love is Love chez IDW en partenariat avec DC Comics, un recueil de 144 pages qui vient d’être traduit et publié dans une version augmentée en français chez Bliss Comic.
En dehors des comics ou plutôt dans leurs adaptations, les séries tiennent le haut du panier. Dans les séries Super Girl et l’adaptation du comics Runaways les personnages LGBT sont représentés positivement. Il reste néanmoins encore du chemin à faire dans les films (le Marvel Cinematic Universe n’a pas encore de personnage LGBT) et dans la représentation des personnages transsexuels qui restent encore sous-représentés.
Un grand merci à l’ensemble des intervenants qui m’ont permis de découvrir de nombreux comics que je ne connaissais pas et pour cette conférence extrêmement riche.
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