[TGS 2017] Conférences sur les évolutions de la création et du gameplay dans les jeux vidéo

Au fil des années, la façon de faire des jeux vidéo a, bien évidemment, beaucoup évolué. Des années 1980 à nos jours, les méthodes sont devenues bien différentes. Ces changements de méthodes et les évolutions techniques ont amené d’autres changements, notamment en ce qui concerne le gameplay. La création et ces changements dans la façon de jouer ont fait l’objet de deux conférences lors du Toulouse Game Show 2017, qui sont résumées dans cet article.

Des premiers pas tracés par des pionniers

La genèse de certains des jeux les plus mythiques des années 1980-90 est marquée par une façon très artisanale de travailler – parfois effectuée dans le cadre familial. Alors qu’il est en plein dans le projet Prince of Persia, Jordan Mechner a ainsi demandé à son frère d’effectuer les mouvements qu’il allait faire faire au personnage principal pour pouvoir les capturer et les intégrer dans son jeu. En effet, pas de motion capture à l’époque et, après avoir filmé, en 1985, Jordan Mechner avait édité une VHS de ces enregistrements, il s’était mis dans le noir, avait pris des photos pour chaque image sur l’écran de sa télévision. Ensuite, pour intégrer ces animations, il a dû redessiner pixel par pixel avec pour seuls outils un clavier et un écran, chaque mouvement image par image. Laborieux s’il en est. Autre point qui démontre l’aspect parfois familial autour des créations de l’époque : c’est le père de Jordan Mechner qui a fait la musique de Prince of Persia, en s’inspirant du leitmotiv de Wagner.

Paul Cuisset, de son côté, a fait appel à Denis Mercier, alors graphiste et level designer pour Delphine Software, pour capturer les mouvements de Conrad, le héros de Flashback. Pour la petite anecdote, le mouvement de grimpe du héros a dû être filmé de manière inversée – en descendant et non en montant – face à la difficulté de le faire de manière fluide pour un humain en situation réelle. La technique du rotoscoping a aussi été utilisée ici, donc, l’équipe de Paul Cuisset a dû travailler avec un carton autour d’eux qui leur permettait de travailler dans le noir pour redessiner les animations qui avaient été capturées auparavant. Pour la musique de Flashback, deux compositeurs se partageaient le gros du travail. Il y avait ensuite plusieurs versions des morceaux selon les différentes versions propres aux plateformes, il fallait alors faire appel à des musiciens spécialistes pour intégrer les mélodies.

Pour ce qui concerne le gameplay, il a beaucoup été question des contrôleurs, comme les paddles, que l’on peut considérer comme les ancêtres des manettes d’aujourd’hui. Les contrôleurs un peu moins lointains proposaient cependant peu de boutons, ce qui ne semblait pour autant pas forcément brider l’inventivité des développeurs à l’époque.

Un métier et des jeux qui ont bien changé

Olivier Derivière, compositeur et musicien notamment sur les productions de DONTNOD, raconte ensuite son expérience dans la création de jeux vidéo et explique que la principale différence réside dans le fait que les outils sont disponibles pour tout le monde à l’heure actuelle alors que Jordan Mechner et Paul Cuisset devaient créer leurs outils. Dans un certain sens, il précise envier l’époque où les limitations permettaient de rendre les musiques iconiques car le travail demandait alors de se recentrer sur l’essentiel pour marquer les joueurs.

Pour ce qui concerne les projets plus récents de Jordan Mechner, celui-ci a souhaité revenir sur sa collaboration avec Ubisoft sur Prince of Persia : Les Sables du Temps. L’éditeur et développeur français a confié à l’équipe du studio de Montréal le soin de réaliser le projet. Patrice Desilets a pris une grande part dans le développement et la vision était alors collégiale. Celui qui est maintenant à la tête de Panache Digital Games devait également activement participer à la suite de cet épisode très apprécié. Celle-ci s’appelait Prince of Persia : Assassins, qui est devenu ensuite un projet dans une licence à part entière : Assassin’s Creed. Prince of Persia a continué sur une autre voie. Dans tous les cas, le projet initié par Ubisoft pour faire renaître la licence a débouché sur un travail en équipe bien plus important qu’auparavant, où un créateur pouvait avoir une vision et travailler seul ou presque.

Le gameplay a bénéficié de nombreuses évolutions depuis plus de 30 ans. A l’heure du tactile, de la VR, de la AR, il est possible d’avoir des expériences plus sensorielles que jamais. Si Paul Cuisset semble penser que l’on est pas encore allés assez loin pour que la VR ne soit autre chose qu’un gadget pour le moment, David Banner – CEO de Wales Interactive – voit les expériences dans les jeux vidéo devenir plus immersives que jamais d’ici les 20 prochaines années, peut-être même au point que réalité et virtuel se confondent, avec des concepts que nous ne pouvons peut-être pas encore imaginer car nous n’avons pas vécu les étapes intermédiaires qui mèneront à ce résultat. Effrayant et excitant à la fois !

 

Quelques questions/réponses

Question : Voyez-vous une différence entre les indépendants aujourd’hui et votre façon de travailler à vos débuts ?

Denis Mercier : Je retrouve ce que l’on avait essayé de faire à l’époque dans des jeux comme Inside ou Journey. Chez les indépendants, ce qui compte, c’est le contrôle : créer sa vision a tout prix. Alors que les triple A sont vérifiés par la section éditoriale de l’éditeur, pour ne pas faire d’ombre aux autres jeux en développement dans leurs autres studios.

Question : Qu’est-ce qui compte quand on ne passe pas par une autre grosse structure pour réaliser sa vision ?

Olivier Derivière : Si vous n’êtes pas passionnés, ne faites pas de jeux, sinon ce sera compliqué quoi qu’il arrive.

Jordan Mechner : Oui, il ne faut pas faire cette démarche seulement pour le métier, seulement parce qu’on a les compétences mais parce qu’on aime créer.

Question : L’éditeur a-t-il toujours un droit de veto ? Pouvez-vous interpréter leurs demandes pour les adapter à votre vision ?

Réponse : Cet aspect peut se prendre dans les deux sens : les développeurs peuvent demander à développer une idée et les éditeurs peuvent approuver ces envies des développeurs, pousser les projets.

Question : Existe-t-il une sorte de « méga pack » pour les fans lambdas de jeux vidéo qui veulent tenter de créer une ébauche de jeu ?

Olivier Derivière : Unity, par exemple, on peut presque faire un jeu de A à Z avec un tel outil. PUBG est parti un peu de cette manière-là. C’est plus un mod de jeu, le créateur n’a pas développé ses propres outils. En tout cas, c’est dur de faire des jeux, il faut être persévérant.

Jordan Mechner : Les gens qui forment votre équipe aident à créer une émulation – et entretenir cette persévérance – ils sont importants et il faut reconnaître leur valeur.

Question : Avez-vous déjà laissé volontairement des bugs dans un de vos jeux ?

Jordan Mechner : En fait, on a jamais le temps d’enlever tous les bugs, si on avait le choix on travaillerait un an de plus sur un jeu pour qu’il n’y en ait plus…

Un grand merci à Paul Cuisset, Jordan Mechner, Denis Mercier, Olivier Derivière et David Banner pour le temps passé en leur compagnie et ces éclaircissements nés de leur expérience foisonnante dans le processus créatif. Restez connectés car d’autres articles arrivent en ce qui concerne le Toulouse Game Show 2017.

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