Pour certains d’entre vous, le nom de Shadowrun ne vous dira rien : il est surtout connu des cercles de rôlistes. Il s’agit, en effet, d’un jeu de rôle papier qui a la particularité de prendre place dans un univers cyberpunk mais où toutes les races de l’heroic fantasy se côtoient. Vous pouvez ainsi incarner un elfe Mage des Rues ou un troll decker (hacker), si le cœur vous en dit.
Malgré tout, nous ne sommes pas là pour parler de jeux de rôle papier mais bien d’un jeu vidéo, en l’occurrence Shadowrun Returns (ce que vous savez déjà si vous savez lire). Le jeu est sorti en 2013 par la grâce de Kickstarter et de volontaires passionnés, dont le créateur de Shadowrun en personne. Mais beaucoup de bonne volonté ne suffit pas à faire un jeu. Alors Shadowrun Returns ça vaut quoi ?
Tout commence par une phase de création de personnage (comme dans tout bon RPG qui se respecte) puis vous voila lancé dans l’aventure. Vous comprenez rapidement que vous n’êtes pas né avec une cuillère dans la bouche (pas besoin d’ajouter « d’argent », vous êtes bien trop pauvre) vu le bouge dans lequel vous émergez. Une de vos connaissances apparaît sur ce qui vous sert de téléphone et vous annonce qu’elle est morte et qu’elle souhaite que vous trouviez son assassin avec, à la clef, une belle petite récompense qui vous permettra de couler des jours heureux. On s’arrêtera là pour ne pas déflorer la suite de vos aventures riches en rebondissements divers et en retournements de situation variés.
Après quelques heures de jeu (que l’on ne voit pas passer) une chose est sûre, l’univers du jeu est une grande réussite tant dans la cohérence de l’univers que dans l’écriture des dialogues. Pendant toute votre aventure, cette impression de déliquescence et d’anarchie ambiante ne vous quittera pas. Tous les endroits rencontrés sont sordides ou, au mieux, miteux. Chacun lutte pour sa survie et tout se monnaye dans ce monde au bord de la rupture. En avançant dans l’aventure, on en apprend plus sur le monde de Shadowrun que ce soit à propos du racisme ordinaire dont sont victimes les méta-humains ou en ce qui concerne le pouvoir qui se trouve aux mains de grosses corporations plus puissantes que les États. Le jeu à aussi le bon goût d’être en français et vous propose environ une dizaine d’heures de jeu (je l’ai personnellement fini en 13h).
Mais bon tout n’est pas rose au pays de Lovecraft (c’est le nom de mon elfe Magicien des Rues, oui c’est cliché et j’assume !). Car, inévitablement, vient le moment de faire parler la poudre et de faire crépiter les sorts. On se retrouve donc avec des phases de combat au tour par tour à la X-COM mais, malheureusement, n’est pas X-COM qui veut. Si les phases de combat sont globalement satisfaisantes, elles sont loin d’être parfaites car la vue en 3D isométrique empêche parfois de bien placer son personnage et, surtout, c’est l’ordre des personnages qui peut devenir rapidement un calvaire. Je m’explique : chaque personnage a des points d’action qui lui permettent d’effectuer … des actions (oui c’est bien, vous suivez). Vous pouvez faire jouer les personnages dans l’ordre que vous voulez mais après les actions, le tour revient au premier personnage que l’on joue parfois sans le vouloir, dans la précipitation. Rien de dramatique, mais c’est parfois rageant de jouer son avatar sans le vouloir. Rajoutez aussi à cela que les ennemis ont tendance à viser votre personnage en priorité même s’il se trouve tout au fond et que les mercenaires recrutés à l’occasion feraient des cibles bien plus faciles.
Dernier point qui peut fâcher (bien que cela ne me fâche pas le moins du monde), c’est la linéarité du jeu. Pas de monde ouvert et de quêtes dans l’ordre que vous voulez. Ici, le jeu a décidé pour vous où vous irez et comment vous irez. Les fanatiques de choix multiples et autres seront aussi déçus d’apprendre que les choix des dialogues, s’ils restent très bien écrits, se révèlent assez simplistes (oscillant entre le « gentil niais », le « méchant très méchant » et le gros cynisme). Toutefois, à la vue de l’écriture, tout ceci s’assemble plutôt bien et on est pas vraiment déçu.
Verdict
7/10
Si le tableau peut paraître bien noir pour ce Shadowrun Returns, les qualités de l’écriture et de l’histoire qu’il propose rattrapent les défauts qui, sans être majeurs, sont bien ennuyeux. Pour les rôlistes qui nous lisent, voyez ce titre comme une partie avec un MJ ultra dirigiste (celui qui vous dit que « non vous ne pouvez pas aller là », que les chiens dans une mine c’est parfaitement logique ou que « oui, c’est une bonne idée d’aller dans un hôpital psychiatrique »). Pour les autres, sachez que le jeu est très linéaire mais que l’expérience n’est quand même pas si désagréable que ça.
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