[TEST] Agony, Satan l’habite ?

En cette période de vache maigre, il faut bien avouer que j’étais plutôt content quand notre petit père des rédacteurs bien-aimé m’a proposé de tester Agony. « il paraît que c’est pas mal, en tout cas ça a l’air très visuel », m’a-t-il dit. Bon, regardons le trailer pour se faire une idée. Effectivement, ça a l’air visuellement malaisant mais c’est bizarre quand même, on voit pas de gameplay. Ceci, mes amis, aurait dû me mettre la puce à l’oreille.

L’enfer est pavé de bonnes intentions

Ça s’annonce bien.

Comment aborder Agony ? Commençons par dire que le jeu se veut une représentation fidèle de l’enfer tel que dépeint par Dante dans la Divine Comédie (partie enfer, vous vous en doutez bien) mais en y rajoutant une bonne couche de dégueulasseries. Je n’ai pas lu Dante mais les représentations que j’en ai vu ne donnaient pas à voir ce que MadMind Studio tenait à nous montrer. Ce n’est pas bien grave, puisqu’il s’agit avant tout d’une vision d’artiste et d’une réinterprétation de la Divine Comédie.

L’histoire est on ne peut plus simple. Une âme tourmentée arrive en enfer, elle entend une voix féminine qui lui demande de la rejoindre, ce à quoi elle va s’employer. Cette voix est celle de la déesse rouge qui règne sur les enfers et il faudra se frayer un chemin à travers lesdits enfers pour la retrouver et … et … et voilà. Le scénario ne brille pas par une originalité folle : il s’agira avant tout d’aller d’un point A à un point B. En soi, cela aurait pu ne pas être un handicap. Regardez Final Fantasy X, il s’agit peu ou prou de la même structure avec un voyage clairement défini depuis le début et il s’agit pourtant du meilleur Final Fantasy. Le fait que le scénario ne propose pas une histoire compliquée remplie de tiroirs narratifs n’est pas forcément une mauvaise chose, encore aurait-il fallu que le reste suive.

Plus Joe que Dante

Des décorations du plus bel effet.

Je vous l’avoue humblement, au départ j’ai été conquis par Agony, sa direction artistique malaisante au possible m’a ravi. J’étais fort content de pouvoir déambuler dans un enfer ô combien organique avec ses corps démembrés servant de murs et de plateformes. J’ai pris plaisir à déambuler dans cette représentation des enfers vu par le studio polonais. J’étais d’autant plus heureux que le jeu avait l’air de tendre plus vers le walking simulator que vers un jeu d’horreur plus traditionnel. Cela n’était pas pour me déplaire et je me disais (naïvement) que le reste du jeu allait être du même acabit.

C’est malheureusement pile à partir du moment où je me faisais la réflexion qu’Agony allait être dans la veine de Neverending Nightmares dans le genre walking sim malaisant que le jeu décida de me jeter du gameplay à la figure. À ce moment, je me retrouvais seul dans un labyrinthe à essayer d’échapper à des monstres aveugles tout en récupérant trois artefacts pour ouvrir une porte. C’est à ce moment-là, comme on le dit généralement dans le monde des testeurs de l’extrême, que ce fût le drame. Il faut donc échapper à plusieurs monstres en se cachant tout en récupérant des objets. Le souci, c’est que les monstres ont des déplacements complètement aléatoires ce qui, vous l’avouerez, rend l’infiltration compliquée. Après plusieurs essais infructueux je décidais de faire une pause et d’y revenir plus tard.

Une comédie pas si divine

Les monstres du labyrinthe, le début de la fin.

Nouvelle tentative et grosse surprise : ma sauvegarde est corrompue, il faut lancer une nouvelle partie. La moutarde commence à me monter au nez mais je m’accroche. Nouvel essai et j’arrive à passer le passage maudit pour poursuivre l’aventure. Cette première mise en bouche est finalement un aperçu assez révélateur de ce qu’est le jeu dans son ensemble : un walking sim qui ne s’assume pas et qui cherche coûte que coûte à rajouter du gameplay, quitte à desservir le jeu. C’est fort dommage.

La volonté de faire rentrer à la barre à mine du gameplay dans un jeu qui n’en avait peut-être pas besoin se fait donc sentir : les phases d’infiltration plombent plus la progression qu’elles n’apportent quelque chose et on se retrouve rapidement à pester durant ces moments contre l’intelligence artificielle des ennemis. Le jeu propose une mécanique de possession qui permet, au fur et à mesure, de posséder des ennemis de plus en plus puissants mais n’apporte pas grand-chose au final et, comble de l’ironie, rend parfois la progression plus compliquée.

Ah, les gonades !

L’enfer, c’est les autres !

C’est au moment où apparaissent ces problèmes que le mince vernis qui m’avait fait dire que le jeu était au moins joli commence également à se craqueler et à laisser apparaître tous les défauts visuels du jeu. La direction artistique, le point fort d’Agony et son principal intérêt a aussi commencé à laissé paraître des fissures laissant à ma vue des défauts béants. Le jeu tourne sous Unreal Engine 4 mais semble parfois à des années-lumière d’autres productions se basant sur le même moteur. D’autres expériences que l’on pourrait qualifier de « moyennes » comme Past Cure ou Get Even arrivent à proposer un rendu bien meilleur, en comparaison. Les personnages sont moches, mais moches, à un point que ça en est complètement risible. Le jeu souffre aussi du fait qu’il a dû être censuré au dernier moment, censure qui se traduit par un sang qui prend parfois une belle teinte fuchsia du plus bel effet, ce qui sort le joueur de l’ambiance.

Tu le sens mon symbolisme ?

Pour rester sur la direction artistique, elle souffre aussi, selon moi, d’autres défauts. Le premier étant que les représentations souffrent d’un symbolisme asséné avec autant de délicatesse que Mike Tyson s’essayant au tricot. Prenez les pommes de l’arbre de la connaissance. Mais si, vous savez, celle qu’Eve a mangé avant de se faire jeter du paradis pour une sombre histoire de vol à l’étalage. Eh bien, ces pommes servent à donner des points de compétence pour améliorer certaines aptitudes de notre âme tourmentée. Petite référence biblique, vous dites-vous ? Que nenni, répond MadMind Studio, en vous balançant en pleine figure un vagin en plein milieu de la pomme (la pomme, *clin d’œil* *clin d’œil* ! Elle a croqué la pomme, vous avez compris ? Hein ? … HEIN !)

Enfer et damnation !

Non, ce n’est pas un jeu Suda 51.

Pour continuer sur la DA (oui je n’écris plus direction artistique, ça prend trop de temps), elle a beau être malaisante, on finit par se rendre compte qu’elle n’est, en vérité, que ça. Il n’y a pas de message derrière, pas de volonté de faire réfléchir le joueur sur ses aprioris ou sur la raison pour laquelle il trouve cela perturbant. Non, la DA est juste là pour être là, sans apporter quelque chose de plus. Comme si le studio s’était dit que c’était suffisant de faire des graphismes « adultes » pour que le jeu soit à part. Finalement, après y avoir joué, j’ai presque eu l’impression de me retrouver devant certains films (des nanars, ne nous le cachons pas) qui, pour faire oublier le peu de qualité qu’ils possèdent, mettent des « plans nichons » un peu partout pour capter l’attention.

Et hop, un plan nichon.

Un « plan nichon » ? C’est une technique bien connue de la plupart des margoulins du cinéma qui consiste à mettre des plans avec des… nichons (oui, c’est bien, vous suivez) pour faire venir un public qui ne serait pas venu autrement. Je vous conseille d’ailleurs Piège mortel à Hawaï, le meilleur représentant du genre. Finalement, Agony c’est un peu ça : un vernis un peu provoc’ à base de « on met des femmes à poils qui s’embrassent, regardez comme on est subversif ». Ah, oui, j’allais aussi oublier que durant le dernier tiers du jeu, Agony rame comme un pauvre hère tentant de remonter une rivière à contre-courant avec des freezes d’une seconde toutes les cinq ou dix secondes : un vrai régal à jouer (je précise que je joue sur PlayStation 4).

Succube sans incube

Pour le plaisir, un deuxième plan nichon.

J’ai beaucoup glosé sur la direction artistique (oui, je reviens sur ce que j’ai dit, c’est la vie) mais le « gameplay » est lui aussi assez faible. J’ai déjà parlé des phases d’infiltration molles et peu engageantes mais le jeu ne souffre pas que de ça. J’ai été surpris de voir certains défauts qui auraient dû être corrigés depuis longtemps, en particulier durant un moment précis. Durant cette phase, vous vous faites courser par un gros monstre et il faut courir dans la direction opposée, trouver un chemin, etc. Une situation somme toute classique mais plombée par le fait que le chemin n’est pas clair, qu’on meurt en boucle et qu’il faut à chaque fois se retaper la cinématique de trente secondes, TRENTE SECONDES ! Cinématique que j’ai dû subir en boucle avant d’avancer.

Les règles du jeu changent aussi parfois subitement sans aucune explication, ce qui renforce encore plus l’incohérence du monde d’Agony et le fait qu’il soit difficile d’y prendre un quelconque plaisir. C’est foncièrement dommage, j’avais pourtant envie d’aimer Agony et de voir ce qu’il avait à me proposer, mais il ne s’agit ni plus, ni moins que d’une coquille vide, une belle coquille vide durant la première heure de jeu mais qui s’effondre sur elle-même passé ce laps de temps.

Verdict

3/10

Agony était un jeu qui promettait beaucoup mais qui n’arrive pas à la hauteur de ses ambitions. Pire, c’est un jeu qui ne prend même pas la peine de réfléchir à ce qu’il nous propose et qui, finalement, devient un titre racoleur à grands coups de plan nichons. Le gameplay ne permet même pas de rattraper le coup tant il est inintéressant. Un titre à éviter.

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