Autoludographie – Alone in the Dark

Le genre du Survival Horror semble avoir déjà fait le tour de ses codes et être tombé dans le cliché. Mais le grand père du genre a le charme d’un bon film en noir et blanc.

Aujourd’hui, plutôt que de se focaliser sur un titre dans une série, on va se pencher sur une trilogie. Et pour le coup, je vais parler du grand père de Resident Evil et l’un des premiers jeux dont je me rappelle du début à la fin : Alone in the Dark.

Développé par Infogrames à l’époque et imaginé par Frédérick Raynal, Alone in the Dark est le premier vrai jeu d’horreur en 3D. Bien avant que Resident Evil ne se soit imposé dans l’industrie et l’esprit des joueurs comme le porte-drapeau de ce type particulier, Alone in the Dark faisait découvrir la peur aux joueurs à une échelle jamais vu auparavant grâce à l’utilisation de magnifiques décors dessinés et de personnages en 3D très simples. Une grande première à l’époque.

Edward Carnby faisait alors sa première apparition ludique et à l’époque, il n’avait pas grand-chose du personnage sombre et « cool » qu’il est devenu dans les 4ème et 5ème épisodes de la série. Je mets des guillemets, parce qu’à ce point, le cliché du héros sombre et torturé qu’est devenu Carnby, et les autres héros de tant de jeux d’action d’ailleurs, est devenu aussi fatigué que possible.

A l’époque, habillé comme Sherlock Holmes et chaussé de lunettes peu sexy, sauver la peau de Carnby (ou d’Emilie Hartwood d’ailleurs, puisque les deux personnages étaient jouables dans le premier épisode) était aussi stressant que terrifiant. Si beaucoup de joueurs se rappellent que le manque de munition dans Resident Evil créait une grande tension, cette technique vient directement d’Alone in the Dark. La diète qui nous était alors imposée venait directement de la volonté de Frédérick Raynal de traiter chaque ennemi comme un puzzle à résoudre. Pour être franc, on trouve parfois des munitions pour une arme qu’on ne trouvera que 2 heures plus tard. Quand on travaille avec un inventaire limité, on finit par devoir choisir si on veut garder ces balles inutiles, ou prendre ce vase, au cas où il s’avère essentiel pour un puzzle plus tard.

La première rencontre avec les monstres d’Alone in the Dark a directement servi d’inspiration à Resident Evil, avec le chien qui saute par la fenêtre pour vous attaquer. Dans Alone in the Dark, c’était un loup garou qui sautait par la fenêtre, suivit rapidement par un zombie qui surgissait du plancher. C’est d’ailleurs aussi là qu’on apprend à résoudre les rencontres en évitant le combat, en poussant des meubles devant la fenêtre et sur la trappe d’où sortent les monstres.

Encore un des piliers des premiers épisodes de Resident Evil, les angles de caméras dramatiques et cinématiques utilisés sont inspirés de la mise en scène d’Alone in the Dark. Plutôt que de laisser la caméra dans les mains du joueur, ce qui n’était techniquement pas possible à l’époque, ou de choisir un angle large qui montre la totalité de la scène, Alone in the Dark présentait toujours une vue déroutante du décor. Le but était d’essayer de créer une atmosphère oppressante dans la plus pure tradition du cinéma d’épouvante. L’atmosphère était parfaitement rendue et la mise en scène était juste assez déroutante pour qu’un sentiment d’inquiétude vous colle à la peau. Mais il faut bien avouer qu’on avait parfois un peu plus de mal à se défendre ou à retrouver des objets pourtant nécessaires à la progression.

Mais revenons sur l’histoire. Très fortement inspirée des écris de H.P. Lovecraft, dont l’univers n’était pas encore devenu le cliché qu’il est aujourd’hui, Alone in the Dark vous place  dans les chaussures de l’un de nos héros : Edward Carnby, détéctive privé, ou Emily Hartwood, jeune héritière. L’occulte est omniprésent dans le jeu : le peintre Jeremy Hartwood, propriétaire de la fascinante demeure de Derceto, est mort. Après une enquête rapide, la police conclut au suicide. Mais Emilie refuse de croire cette théorie.

Le jeu commence dans le grenier de la maison où votre personnage s’est rendu durant la cinématique d’introduction pour commencer ses recherches sur la mort de Jeremy. Vous commencez à contrôler le jeu alors que des bruits inquiétants et visiblement surnaturels se font entendre. Très vite, on comprend que si Jeremy s’est vraiment suicidé dans cette maison, c’est parce qu’elle est littéralement envahi de créatures cauchemardesques toutes plus dérangeantes et dangereuses les unes que les autres. On apprend aussi au cours de l’aventure que la maison a été construite sur un site hautement occulte, d’où les apparitions infernales. On finit par descendre dans les catacombes qui se trouvent sous le bâtiment pour exorciser le lieu une bonne fois pour toute.

L’accent dans Alone est sur l’exploration de la demeure hantée et les plus imposants ennemis peuvent être vaincus en résolvant des puzzles environnementaux qui déclenchent des pièges ou autre. C’est un parti pris assez heureux puisque la plupart des monstres sont si dur à vaincre par la force qu’on doit les fuir autant que possible en attendant de pouvoir les battre par la ruse.

Il faut bien avouer que les limitations techniques sont là, mais pour l’époque, c’était fantastique. Sauf pour les phases de plateforme, parce que évidement, en 91 on est loin du niveau d’un Mario 64, c’est le MOINS qu’on puisse dire. Je vous invite à jeter un œil à l’archive de mon stream du premier volet pour vous faire une idée. Il est disponible sur la chaine YouTube du site.

Si l’importance des puzzles faisait d’Alone 1 un jeu particulier, il a disparu dans les suites qui ont choisi de mettre plus l’accent sur l’action tout en conservant l’horreur dans l’ambiance et les décors. Là où Alone in the Dark 1 s’inspire de Lovecraft pour son univers, le 2 qui garde Carnby comme personnage principal se tourne vers le vaudou et les pirates. L’histoire commence avec un homme du nom de Striker qui se rend dans une maison en bord de mer appelée Hell’s Kitchen pour enquêter sur les rumeurs d’une petite fille kidnappée par un gang de gangsters dirigé par Jack. Non, pas de Jack Sparrow ici ! On parle de One-Eyed Jack, Jack le borgne.

A l’entrée de la maison, Striker voit la jeune fille. Mais avant de pouvoir la rejoindre, il se fait tuer, il parvient malgré tout à envoyer un message à notre ancien héros Edward Carnby. Edward a acquis une notoriété certaine suite à la défaite du sorcier Cthulhien qui est l’origine du mal dans le premier jeu. Carnby découvre une malédiction vaudou mortelle placée sur un ancien groupe de pirates, et la véritable raison pour laquelle la pauvre petite fille a été enlevée. À vous donc de sauver la peau de notre héros et de la demoiselle, Grace Saunders et d’échapper à One-Eyed Jack et à la villa des profondeurs : Hell’s Kitchen.

Cette suite bien plus orientée action que le précédent, est aussi techniquement plus avancée, avec un système de combat réajusté qui permet de se battre plus facilement. Cela dit, l’ambiance de cet épisode est aussi géniale que celle du premier, imposant Alone 2 comme une nouvelle pierre à l’édifice du survival horror naissant. L’équipe qui avait réalisé le premier n’est cependant pas derrière le deuxième, ni le troisième, suite à un différend avec Bruno Bonnell. L’équipe, menée par Fréderick Raynal, souhaitait laisser l’action de côté. Ils quittèrent le bateau mais la plupart des idées qu’ils avaient mises en place pour la suite se trouvent dans le jeu final, pour notre plus grand plaisir.

Le troisième épisode s’attaque à un nouveau classique de l’horreur, la ville western fantôme. Situé dans une ville utilisée pour le tournage d’un film, Alone in the Dark 3 vous plonge dans un western macabre. Si l’ambiance est toujours aussi géniale et l’histoire aussi bien construite que dans les deux précédents, Alone 3 apporte des graphismes qui restent dans la lignée des autres Alone mais qui sont bien plus détaillés. La mise en scène est plus nerveuse et certaines phases de jeu sont vraiment  originales (sans spoiler, vous faites un petit voyage dans l’autre monde…).

Le troisième épisode est aussi l’occasion de retrouver Emily Hartwood que l’on doit aller sauver après que des Cowboys fantômes l’aient enlevée. Encore une fois, on incarne Carnby dans cet épisode. Personnellement, c’est mon épisode préféré, et celui auquel on peut jouer le plus facilement aujourd’hui. A essayer pour tous ceux qui veulent voir d’où vient Resident Evil puisque si le 1 est l’inspiration évidente du manoir en huis clos de Resident, Alone 3 est le dernier sorti avant que Capcom ne sorte son titre mythique.

Après le troisième épisode, Infogrames arrêta la série, principalement parce qu’ils avaient de gros problèmes de trésorerie, ce qui s’est mal terminé pour eux d’ailleurs. Mais la pause prise après le troisième a permis à la série de s’installer comme une trilogie respectée par les joueurs.

Les 4ème et 5ème épisodes étaient tous les deux sensés ramener la série au premier rang. Malheureusement, si le 4ème avait des qualités qui font que le titre est considéré comme un des bons titres de survival horror, il n’a pas réussi à percer et à se faire une place, restant dans l’ombre, ironiquement. Quant au 5ème, malgré de très bonnes idées de mise en scène et le parallèle voulu par les développeurs avec un film ou une série, la réalisation de la première version du jeu était si buggée que les joueurs avaient baissé les bras et laissé tomber le jeu. La version PS3 et les patchs correctifs des versions Xbox et PC ont réparé quasiment tous les problèmes du titre, mais c’était trop tard malheureusement.

Peut-on encore croire à un redémarrage de la franchise qui ferait honneur aux trois premiers jeux ? J’en doute aujourd’hui, surtout à la vue du nouvel épisode en développement. Mais l’influence qu’Alone in the Dark a eue sur le survival horror en général et Resident Evil en particulier est indéniable. Si vous n’avez jamais joué à un ancien épisode de la série, vous pourriez les trouver sur GOG.com pour une bouchée de pain et tenter l’aventure. Le gameplay a vieilli, mais l’ambiance est toujours intacte, comme un film d’horreur en noir et blanc, on ne sursaute plus, on apprécie pour son coté « pièce de musée ».

Verdict

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