[INTERVIEW] Simon Gerdesmann, du studio Phantom 8 (Past Cure) – Version française

J’ai rencontré Simon du studio Phantom 8 durant un de mes voyages à Berlin. C’était l’occasion de discuter de la sortie de leur premier jeu : Past Cure. Simon, le manager du studio, travaillait avant dans le bâtiment, il a décidé d’investir son argent et de se lancer dès les débuts du studio.

GamersFlag : Commençons par le commencement, quand et comment avez-vous fondé le studio Phantom 8 ? Quel a été le point de départ ?

Simon : Un de mes amis est venu et m’a dit « Eh, il y a cette personne, Ivan, qui est venue me voir et qui m’a pitché cette idée de jeu ». En tant que joueur, il pensait que cette idée était vraiment intéressante mais il lui manquait l’argent pour la financer. Il a dit : « Je connais seulement une seul personne assez folle pour financer le projet » et ce gars, c’était moi ! J’ai rencontré Ivan et je lui ai demandé de me faire son pitch.

Donc, au début, j’étais plutôt du genre « mouais, c’est vraiment une bonne idée » mais j’étais pas sûr de vouloir me lancer dedans. J’ai aussi vu son business plan pour le projet et je me disais « mouais, c’est sûrement pas le meilleur et ça coûtera plus cher que ce qu’il anticipe« . Mais, finalement, on a décidé d’essayer. Je voulais aussi donner une chance à Ivan de faire le jeu parce qu’il était vraiment passionné. Nous avons donc décidé, il y deux ans, en janvier 2016, de créer le studio. On a commencé le développement en mars 2016 avec trois développeurs, l’artiste environnemental et le chara-designer. On a ensuite grandi progressivement jusqu’à atteindre six personnes au milieu du développement. Au plus haut, à la fin, on était huit, c’est pour ça que le studio s’appelle Phantom 8.

Les développeurs viennent d’un peu partout à travers le monde, on a une personne de Turquie, des gens de Belgique, Égypte, Roumanie, Angleterre et Macédoine. C’est vraiment une équipe internationale. Ils sont très jeunes mais très talentueux et ont beaucoup de potentiel. Ils travaillent tous dans deux champs de compétences, du coup la plupart avait au moins deux talents sur lesquels on pouvait s’appuyer. Ils pouvaient toujours aider les autres, si le character artist n’avait rien à faire sur les personnages, il pouvait aller aider aux cinématiques ou au cutscenes. C’était une équipe bien choisie au final. Autrement, on aurait pas pu arriver à la qualité actuelle qu’on a dans le jeu. Voilà pour le début !

GF : Donc, cela vous a pris deux ans pour développer et produire le jeu ?

S : Oui

GF : J’allais vous demander si Past Cure était votre premier jeu mais j’ai déjà la réponse maintenant !

S : Oui, c’est vraiment notre premier projet. Mais c’était aussi le cas pour tout le monde. Personne dans l’équipe n’était encore parvenu jusqu’à l’étape de la distribution d’un jeu. Ils avaient bossé sur plusieurs projets mais n’étaient jamais allé aussi loin. Finalement, on a distribué le jeu dans l’optique d’une sortie mondiale. Le jeu est aussi en vente sur trois plateformes, PC, Xbox One et PlayStation 4. Notre version Xbox n’était pas la meilleure possible, ce qui nous a aussi amené pas mal de critiques négatives parce que celle-ci avait pas mal de bugs et que beaucoup de ces critiques étaient basées sur la version Xbox.

GF : N’est-ce pas trop compliqué de développer sur trois plateformes différentes ?

S : En fait, l’Unreal Engine est plutôt bon pour ça. Au final, on a fait beaucoup de choses, on avait de grands objectifs donc si on avait décidé de se concentrer sur seulement une mécanique de gameplay comme l’action, les fusillades, l’infiltration ou l’horreur et simplement une plateforme, c’eut été beaucoup plus facile d’arriver là où nous en sommes aujourd’hui. Mais on a décidé de faire le développement sur trois plateformes et on est vraiment fiers de ce qu’on a fait. Au final, on est parvenu à le distribuer sur les trois plateformes.

GF : Est-ce pour ça que vous avez décidé de développer sous Unreal ? Parce que c’était le moyen le plus facile de développer sur les trois plateformes.

S : Oui, mais je pense aussi qu’Unreal nous permettait d’arriver au meilleur rendu pour le type de jeu que nous voulions faire. C’est, en effet, également assez flexible pour développer sur les trois plateformes. C’est facile a utiliser et c’est gratuit, au début.

GF : C’était donc l’idée d’Ivan de partir sur un thriller psychologique ou c’était aussi quelque chose qui plaisait à tout le monde ?

S : Eh bien, Ivan avait l’idée de base, le pitch de départ. Mais, finalement, on a engagé un professionnel qui a écrit l’histoire et les dialogues parce qu’on était pas capable d’y arriver. On a essayé mais, finalement, on s’est résolu a embauché quelqu’un. On aurait probablement dû le faire avant, on s’est décidé durant le développement … c’était pas la meilleure idée .

GF : C’est au moins quelque chose que vous avez appris !

S : Oui ! On a vraiment beaucoup appris durant le développement.

GF : Le jeu me rappelle beaucoup Get Even, y avez-vous joué ? Quelles ont été vos influences pour Past Cure ?

S : Non, on a pas joué à Get Even. L’influence principale qu’Ivan a voulu insuffler au jeu était basée sur Silent Hill et Metal Gear Solid. Le jeu cherche à être un pont entre l’action-infiltration et le survival horror. C’était le but recherché. Mais maintenant, on entend parler d’Heavy Rain, Max Payne … On nous a comparé à beaucoup d’autres titres.

D’un côté, c’est vraiment cool si quelqu’un nous dit : « Hey ça ressemble à Max Payne ». Mais, au final, si quelqu’un joue à Max Payne et ensuite joue à notre jeu, il va se rendre compte que Max Payne est un triple A et une production a dix millions de dollars. Alors, en jouant à Past Cure, il va dire : « Ok, c’est de la merde ».

On ne voulait pas faire un mauvais triple A mais un bon jeu indépendant. C’était notre but. Mais je pense que l’attente est devenue de plus en plus grande à mesure qu’on dévoilait les trailers et les cinématiques. Beaucoup de personnes étaient de plus en plus curieuses et se demandaient à quoi allait ressembler Past Cure. Ils pensaient qu’ils allaient avoir le prochain jeu de Remedy [Max Payne] ou le prochain Quantic Dream [Heavy Rain] mais, au final, c’était simplement Past Cure.

GF : Quand le jeu est sorti, vous avez reçu des critiques pour le moins mitigées, comme nous l’avons évoqué précédemment. Pensez-vous que les gens ont mal appréhendé le jeu, qu’ils pensaient avoir affaire à un triple A ?

S : Hum, je pense que ce n’est pas l’unique aspect, qu’il y a différents niveaux qu’il faut prendre en compte. Au final, il y a le joueur qui paie 30 dollars ou euros pour le jeu et qui décide si le jeu les vaut. Il va donc le comparer avec d’autres titres au même prix. S’il ne l’aime pas, il dira que 30 dollars, c’est trop cher. Et il nous comparera avec des triples A parce que le jeu ressemble à un triple A. C’est difficile à gérer.

Mais je pense aussi que la gestion de l’attente de notre part n’était pas assez bonne pour faire comprendre aux gens : « Écoutez, nous sommes des indés, vraiment, auto-financés, auto-publiés ». On ne voulait pas trop parler de ça parce qu’on se sentait un peu … pas « mal », mais … on voulait pas faire comme si on étaient un tout petit studio et dire : « S’il vous plait, achetez notre jeu, on est de tout petits indés », ce n’était pas notre but. On voulait être les tant l’un que l’autre.

On voulait inspirer d’autres indés, qu’ils aient les couilles de se lancer, de s’appuyer sur la technologie et de faire quelque chose de plus que ce qu’ils auraient pu faire avant. On voulait leur faire réaliser que la technologie était là et prête à être utilisée. C’est David contre Goliath, au final, mais ce qui est vraiment chouette, c’est qu’il y a des gens qui réalisent ce qu’on a fait. Ça nous rend fiers.

GF : On écoutant des podcasts français ayant trait au jeu vidéo, beaucoup de créateurs disent que la période pour voir si un jeu a du succès ou pas s’étale sur un an et qu’il faut tenir compte des soldes. Savez-vous combien de copies vous avez vendus jusqu’à présent ?

S : Non, on a pas les chiffres, mais on est sur beaucoup de boutiques comme Steam, Fanatical, Green Man Gaming, Xbox, PlayStation et les exemplaires sont disponibles partout dans le monde. Ceci étant, oui, je pense que la vie d’un produit peut même être de plus qu’un an et il reste encore du travail à faire. Vous rencontrer est un exemple. Il faut parler du jeu et trouver des gens qui n’ont pas encore entendu parler du jeu et voudraient lui donner une chance. Mais on n’a pas besoin de vendre beaucoup d’exemplaires pour que l’on parle de réussite. Si tu regardes l’industrie du jeu vidéo, je pense qu’il y a 60 ou 70 millions de PlayStation 4 vendues donc si on a juste une petite part du gâteau ça sera déjà pas mal .

GF : Est-ce qu’il serait trop indiscret de vous demander quel a été le budget pour le jeu ?

S : Oui un petit peu, mais je peux te dire que ce n’était pas une production à un million de dollars.

GF : OK, vous avez des plans pour le futur ? Vous travaillez encore sur Past Cure ?

S : Donc, bien sûr, comme je te l’ai dit, la version Xbox était vraiment buguée. On doit un peu s’excuser pour les testeurs. On avait prévu de faire un patch day one sur Xbox mais on a pas réussi à cause d’une erreur qu’il était facile de faire. Donc, là, on doit travailler sur le patch Xbox. Il y a beaucoup de bugs qu’on veut corriger dans le prochain patch. Il y a aussi des fonctionnalités qu’on va améliorer, c’est ce sur quoi on bosse en ce moment. Il y a aussi un gros travail avec la communauté, on veut avoir des retours de notre communauté. On a une liste d’améliorations et on veut la comparer avec ce que nous disent les gens, comme ça, on peut se concentrer sur ces points. On va faire un gros patch dans quelques semaines.

Sinon, bien sûr qu’on a une idée pour un autre jeu, on travaille actuellement sur le pitch. Mais, cette fois, on veut apprendre du passé. On veut … soigner le passé (rire) [« We want to cure the past » en VO, jeu de mots avec le titre du jeu Past Cure].

GF : J’imagine qu’avec ce que vous avez appris sur Past Cure, çil sera plus facile de travailler sur un nouveau projet cette fois ci.

S : Au milieu de l’année dernière, on s’est dit : « Mec, putain ! On aurait jamais du commencer ce projet ». Mais on s’est aussi dit : « Ok, finissons au moins le jeu et reportons tout ce qu’on a appris sur le prochain ». Je sais qu’on commencera de manière totalement différente par rapport à la dernière fois. C’est ce qu’on fait en ce moment : essayer de construire un jeu avec plus d’expérience. On travaille avec ce mec qui a plus de dix ans d’expérience dans l’industrie. De ce que je vois, on est en bonne voie, je pense qu’on va arriver à refaire un truc spécial.

Ça dépendra des testeurs et de comment vont aller les critiques … Je pense que c’était aussi une erreur de cibler une audience très large. Je pense qu’on a eu beaucoup de critiques des testeurs qui ne faisaient pas partie de l’audience qu’on voulait cibler. Je pense qu’on choisira mieux nos testeurs la prochaine fois et qu’on ne choisira pas la quantité mais la qualité.

Je pense qu’on est vraiment bon avec les twitcheurs et les youtubeurs, on a de bons retours de leur part. C’est sympa à regarder, je regardais beaucoup de streameurs et ils étaient vraiment contents qu’on vienne sur leur stream et qu’on réponde à leurs questions. Je pense qu’on travaillera plus avec les streameurs qu’avant. Je pense qu’on va refaire le tour des streameurs, on a reçu plus de 4 000 demandes de leur part. Il y en avait beaucoup qui étaient intéressés mais avant qu’on fasse le prochain pas, on veut améliorer un petit peu le jeu

GF : Eh bien, je vous souhaite bonne chance pour réparer les bugs et votre tour des streameurs !

S : Si on voit les bugs, on peut les réparer. Il y a des trucs visuels qu’on ne peut pas réparer parce que l’équipe est trop petite, on doit juste vivre avec. Aussi, parce qu’on devait envoyer le jeu en version physique, on a pas pu tout réparer à temps.

GF : Oui, surtout si vous deviez expédier des versions physiques …

S : Oui, c’était le problème, mais on travaille aussi sur le mappage des touches en ce moment. Tu sais, les meilleurs retours, ce sont les retours négatifs parce qu’on peut apprendre d’eux. On doit juste apprendre à mieux les gérer.

GF : Je pense que c’est aussi quelque chose qu’on [les critiques] doit travailler, parce que quand tu fais une critique négative, c’est facile d’être méchant et d’utiliser des mots blessants. C’est quelque chose auquel on doit faire attention parce que même si c’est mauvais, ça reste du travail que les gens ont fait, parfois pendant plusieurs années.

S : Tu sais, il y a des testeurs qui sont durs avec leurs critiques, c’est ok pour nous. Surtout pour moi, je peux vivre avec, mais c’était un peu plus dur pour l’équipe qui s’est sentie un peu démotivée. On leur a fait part des retours positifs … et je pense qu’au final on peut utiliser tout ça pour nous.

GF : Merci de m’avoir rencontré et d’avoir répondu à nos questions !

S : C’était un plaisir !

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