[TEST] Life is Strange 2, épisode 1, la French Touch !

L’automne frappe à notre porte, l’air se rafraîchit et le ciel se remplit de grisaille. Un temps à rester chez soi, à regarder des séries avec une bonne boisson chaude ! C’est à croire que le studio français Dontnod et Square Enix avaient pensé à tout, puisque l’épisode 1 de Life is Strange 2 est sorti le 26 septembre 2018, sur PlayStation 4, Xbox One et PC ! Mieux qu’un jeu, mieux qu’une série, la meilleure licence d’histoires interactives remet le couvert et ce n’est pour nous déplaire ! C’est parti, décortiquons ce qui s’annonce comme l’un des jeux les plus marquants de l’année 2018 !

 

Dans l’épisode précédent…

Pour les malheureux qui ne connaîtraient pas la licence (et qui vont, de ce pas, jouer au premier opus, n’est-ce pas ?), Life is Strange est un jeu vidéo narratif à choix multiples, en plus simple : une histoire interactive. Le premier volet prenait place dans l’Oregon, à Arcadia Bay, une petite ville côtière au sud des Etats-Unis. On y incarnait Maxine Caulfield, une étudiante en photographie mal dans sa peau, pas comme les autres. Très vite, notre protagoniste va se rendre compte qu’elle peut manipuler le temps à travers des photographies et les souvenirs qu’elle en a ! A partir de là commence toute l’aventure ! Je ne vous en dis pas plus pour ceux qui n’auraient jamais eu le plaisir de découvrir le premier opus. Je préfère vous prévenir, il va être difficile pour moi de vous montrer toute la grandeur de cet épisode sans vous spoiler. Ainsi, je m’excuse d’avance pour le peu (et ce sera vraiment très peu !) d’informations sur l’histoire que je m’apprête à vous révéler. Promis, vous ne regretterez pas ! Revenons maintenant à nos moutons !

Life is Strange 2 prend cette fois place à Seattle, la cité d’émeraude et le berceau de feu Hendrix. On y incarne Sean Diaz, un jeune adolescent latino-américain de 16 ans, tout ce qu’il y a de plus banal. On nous dresse ici un portrait tout à fait classique d’adolescent sans exagération et cliché, ce qui n’est pas toujours acquis, ne l’oublions pas ! Outre son âge « ingrat », on découvre vite ses rapports avec le reste de sa famille : son père, Esteban Diaz et son petit frère, Daniel Diaz, 9 ans. Même si les chanceux de la GamesCom ou les plus impatients sauront déjà la suite des événements, je me réserve le droit de ne pas vous en dévoiler plus (malgré qu’Internet a déjà dévoilé l’intrigue à tord et à travers, d’ailleurs même le blog PlayStation s’y est mis !). J’ajouterais seulement qu’un événement va pousser les frères Diaz (les mêmes que vous avez pu voir à la fin de The Awesome Adventure of Captain Spirit) à l’aventure à travers les Etats-Unis ! Pour le bien du reste de ce test, je me devais de vous le dévoiler, désolé ! Sans rancune !

 

People are Strange

Après cette brève introduction au scénario, on va pouvoir discuter du fond, de la qualité, de la plume ! Commençons, tout comme le jeu, avec la bande originale. Life is Strange 2 démarre sur le superbe morceau des PhoenixLiztomania. Quand je vous parlais de French Touch, on y est complètement ! Globalement, à l’image du premier opus, la B.O est impeccable. Rien ne dénote et l’alternance de musiques originales et musiques sous licence fonctionne à la perfection, on se croirait devant n’importe quelle bonne série télévisée ! On ressent tout au long de l’épisode une véritable inspiration tirée des découpages et cadrages des séries contemporaines. Une vraie patte et un savoir-faire authentique ! L’alternance des passages de non-jeu et d’interactions est d’une justesse rare ! Chaque phase de cinématique agit comme une zone de repos pour le joueur, le sortant de ses responsabilités, et chaque phase de gameplay vient accentuer le rythme. Les transitions se font toujours de façon fluide, donnant sens aux différents états du jeu. Une grande partie de cette fluidité se ressent, outre le cadrage, à travers les dialogues, criants de réalisme. On ne tombe jamais (ou rarement) dans la facilité et chaque mot prend tout son sens en sortant de la bouche des personnages (principaux ou secondaires), ce qui est primordial pour le bon déroulement d’un jeu qui développe son essence à travers une histoire ! On pourrait peut-être reprocher un manque de personnages différents dans cet épisode 1 (j’avoue, j’aurais souhaité voir plus de personnages, à l’instar du premier volet), mais le parti-pris scénaristique de Dontnod justifie sans problème cette volonté.

En ce qui concerne l’influence des choix du joueur sur cette même narration, on reste dans un travail d’orfèvre. Les moments de choix, et de potentiels impacts sur les péripéties, sont visuellement très intuitifs et compréhensibles (mis à part de très rares moments : il m’est arrivé une fois d’avoir mal interprété une décision) tout en gardant de la discrétion grâce à l’interface du jeu. On pourra se surprendre à rater des interactions, voire ignorer que l’on a pris une décision sur l’écran de statistiques à la fin de l’épisode. Ce qui est bien, à mon goût ! L’expérience qui ressort de Life is Strange 2 n’est pas une question de re-jouabilité ou d’objectifs cachés, c’est une expérience unique qu’on en retire ! Ce jeu propose au joueur une histoire qui s’écrit par lui-même et par elle-même. Le joueur lutte ainsi contre le cours des événements et cette tension entre le temps et l’action fonctionne bien et vient donner une dimension toute particulière à l’expérience de jeu. On ressent ainsi beaucoup mieux les tensions dramatiques, les moments de suspens, ou les instants contemplatifs qu’on finit par chérir car ils sont les seules interactions à proposer du temps dans un univers qui le bride.

 

The Awesome Adventure of Sean Diaz

Les amateurs de la licence sauront que « qui dit Life is Strange, dit super-pouvoir » ! Et cette épisode ne dérogera pas à la règle. Encore une fois, un pouvoir sera au cœur de toute l’intrigue. Dans le premier opus, Maxine pouvait voyager dans le temps grâce à des photographies à condition de l’avoir déjà vécu. Si son utilisation restait bien intégrée au gameplay, son utilité était surtout visible dans les énigmes. Le manque de véritable décision de voyages spatiaux-temporel pouvait créer une (très) petite frustration. Il me rappelait, un peu inconsciemment, les limites de mon environnement. C’est pourtant le propre des super-pouvoirs, de pousser les limites de son environnement. Je vous entends d’ici me hurler que je chipote, que l’on ne peut pas faire non-plus des arborescences scénaristiques aussi complexes, que ça demande trop de travail, etc. Et à tout cela, je réponds : il est vrai ! Mais sur un objet vidéo-ludique d’un tel standing, rien n’est laissé au hasard. L’immersion est l’élément principal d’une histoire interactive, rien ne doit laisser le joueur en voir les ficelles sinon tout s’effondre. Pour créer la sensation d’immersion, le joueur doit toujours avoir la sensation qu’il est maître de son environnement et non son prisonnier. Et c’est en cela que Life is Strange 2 a surpassé son prédécesseur !

Dans cet épisode 1, le joueur va vite comprendre qu’il n’est pas maître d’un super-pouvoir, mais que son compagnon, si (désolé pour le spoil… love) ! Il faudra incarner la relation difficile avec un porteur de pouvoir : le calmer, le protéger, faire attention à notre influence sur lui. En d’autres mots, gérer une relation humaine, à ses fondements. En incarnant l’impuissant, Life is Strange 2 arrive à rendre passionnant un processus, commun de tous : la sociabilisation, ou notre capacité à interagir avec d’autres individus. Si la série des Shin Megami Tensei a déjà brillé pour ses dialogues à choix multiples et les enjeux de sociabilité pour le joueur, elle n’entrait que dans une mécanique de récompense sans influence notable sur la narration. Dans le cas de Life is Strange 2, cette mécanique est poussée à l’extrême, influençant le déroulement narratif de façon notable ! Ce qui rend une série intéressante, c’est la manière dont sont développées les relations entre ses divers personnages, la profondeur de leurs interactions et le sens qu’on peut y associer. Pour Life is Strange 2, c’est pareil !

Mais le scénario n’y arriverait pas seul. Tout ce système ne fonctionnerait pas sans l’aide de la direction artistique ! Graphiquement, c’est beau. Peut être un peu classique, ce deuxième opus aurait pu profiter de nouvelles expérimentations artistiques, mais le moteur 3D (Merci Unreal !) et l’esthétique globale restent plus que respectables ! Mais outre la magnificence des jeux d’ombres et lumières, ce qui saisit, c’est la palette de visages que cet épisode propose. On ressent vraiment les réactions des personnages à travers leur faciès, et c’est le dernier élément nécessaire pour recréer un véritable système de sociabilité : pouvoir interpréter. Ce deuxième opus pousse l’interaction à sa forme la plus simple, notre voix !

 

Make Games Great Again !

Je pense que vous l’aurez déjà compris, si vous me lisez toujours, Life is Strange 2 est un très bon jeu, sans l’ombre d’une hésitation. Tout comme l’était le premier. Ne serait-on pas un peu dans la redite ? Juste un nouveau scénario et on recycle une mécanique de jeu bien huilée ? Eh bien, je dirais sincèrement que non. Et je m’en vais vous expliquer pourquoi Life is Strange 2 est incontestablement meilleur que le précédent opus. Si le scénario du premier volet était palpitant et accrocheur, il n’en restait qu’une version narrative d’une enquête policière comme un The Wolf Among Us par exemple. On évolue dans la narration avec les personnages, proposant quelques dilemmes, mais rien de concrètement relié à notre réalité. En grande partie, la découverte du super-pouvoir vient casser la connexion narrative entre le joueur et le personnage qu’il incarne car il vient ajouter un élément inconnu du joueur. Le fait de ne pas incarner le porteur de pouvoir vient ramener l’intrigue et le suspens sur un plan commun avec le joueur, il peut parfaitement se replacer dans chacun de ces contextes car il évoque à tous un ensemble de situations connues du joueur. Plutôt que de l’attirer avec des paillettes et des jolis effets, on va attirer le joueur dans des interactions familières et le confronter à des problématiques sociales qu’il connaît, comme un jeu rattrapant la réalité. La narration vient saisir le joueur et l’amène dans un environnement fictif mais bien concret, dans lequel il devra affronter tous les choix que la vie nous pousse à faire et tenter de répondre à toutes ces questions qu’on refuse de se poser dans la réalité.

Ainsi le joueur devra se positionner face à des problématiques contemporaines dans une Amérique en plein changement. Cela joue sur l’immersion et sur l’aspect concret de l’environnement, on s’y rattache plus facilement et c’est nécessaire quand l’on doit constamment gérer une relation, dans le temps, avec un personnage, notre compagnon. On finit réellement par incarner le personnage de façon éthique et non plus ludique à la différence du premier opus, qui m’a plus laissé une sensation d’expérimentation avec le gameplay. Ici, on vit réellement l’instant de jeu, on s’investit émotionnellement dans chaque interaction et démultiplie la narration qui en découle, car elle nous appartient. Il est dur de parfaitement vous décrire cette expérience sans avoir l’impression d’être grandiloquent, tant toute sa magie repose sur cette dite expérience. Tout ce que je pourrais vous dire de plus serait, à mon avis, fortuit si vous ne jouez pas vous-même, je préfère vous laisser ainsi une part de mystère, en espérant que les épisodes à venir seront encore plus saisissant !

 

Verdict

9/10

Life is Strange 2 lève clairement le niveau de la licence, sur quasiment tous les plans. Si sur le plan graphique rien de spécialement neuf n’est à noter, le scénario, le gameplay, la bande-son et l’immersion repoussent les limites de la narration interactive. On est sans hésitation sur l’un des meilleurs jeux de l’année 2018, si les épisodes suivants suivent le chemin tracé par cet épisode 1. Ce sont de beaux jours qui se présentent pour le studio Dontnod, et tout cela est de bon augure pour leur prochain titre : Twin Mirror, annoncé pour 2019.

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