[TEST] Sifu : la vengeance est un plat qui se mange… ou pas?

Sorti sur PlayStation 4, PlayStation 5 et sur PC via l’Epic Games Store le 8 février 2022, Sifu est le nouveau bébé du studio français Sloclap. Exigeant et punitif, Sifu n’a laissé personne indifférent. Mais pourquoi Sifu est le jeu qui a marqué début 2022 ? C’est ce que nous allons déterminer dans ce test. En garde !

Mourir peut attendre

L’histoire de Sifu est simple, mais reste originale : vous incarnez Yang, un disciple renié par son maître, qui cherche à le tuer. Plusieurs disciples se dressent devant vous pour vous barrer la route. Arrivé au sommet de l’école, deux femmes se battent contre un vieil homme. Il s’agit du Sifu (ou Shifu en mandarin), votre ancien maitre, celui qui vous a tout appris. Il n’est pas surpris de vous voir, expliquant qu’il regrettait de vous avoir pris comme disciple. Vous entamez un combat avec lui, le combat est rude, mais Yang lui assène le coup fatal.

Le jeu change de perspective et Yang, le personnage que vous incarniez précédemment, vous demande de sortir du placard d’où vous êtes caché. Vous pouvez choisir ici d’incarner une fille ou un garçon. Ce choix est esthétique et n’influence pas vos compétences dans le jeu. Une fois sorti du placard (sans mauvais jeu de mot), l’un des acolytes de Yang, armé d’une machette vous tranche la gorge de sang-froid. C’est la fin. Enfin… pas vraiment. Vous vous réveillez subitement, un talisman à la main : cet ancien talisman, gardé secret, vous a ramené à la vie. Une fois debout vous foncez dans la cour où se trouve le Sifu, gisant sur le sol. Plein de ressentiment, un sentiment de vengeance vous anime. En effet, le Sifu était votre père.

N’oubliez pas ces visages.

8 ans plus tard, il est temps de se venger. Le jeu lance une originale scène d’introduction, fortement inspirée du film Le Chinois se déchaine, et vous confronte à ceux qui ont tué votre père. Cette scène vous explique aussi les mécaniques de jeu, de Fajar le Botaniste, jusqu’à Yang, le leader du groupe. Pour les connaisseurs, Sifu s’inspire du style de Kung-Fu Pak Mei, un style de Kung-Fu porté sur la percussion et des enchaînements rapides de coups.

La scène d’introduction vous apprend les bases.

Tomber pour mieux se relever

Sifu est un beat’em up où vous devez progresser à travers 5 niveaux. Ces niveaux sont thématiques et sont globalement réussis. Ils nous permettent d’en apprendre plus sur les motivations et la personnalité de nos ennemis, notamment le niveau du Musée, visuellement réussi. Globalement portés sur la verticalité,  certaines parties de ces niveaux adoptent une vue à la 2D, clin d’œil direct à Street of Rage et autres beat’em all. Vous contrôlez votre personnage à la 3ème personne, et devez éliminer tout les ennemis qui vous barrent la route, jusqu’au boss.

Street of Rage ou Oldboy choisissez votre référence.

Côté contrôles, Sifu reprends moults éléments des jeux de combat : enchaînements de coups, parades, esquives, ou coups spéciaux. Outre ces mécaniques, vous avez également la possibilité d’utiliser des attaques « focus« . Ces attaques sont utilisables seulement quand votre barre de focus est pleine. Ces attaques sont imparables par les ennemis et vous permettent de retourner la situation à votre avantage. Battre des ennemis augmente votre score, ce score est multiplié si vous les finissez avec une mise au sol. Pour ce faire, votre personnage et vos ennemis disposent d’une jauge de « structure », similaire à la barre de stun de Street Fighter. Une fois remplie, vos ennemis sont étourdis et à votre merci pour une attaque fatale qui a pour avantage de vous rendre un peu de vie, utilisez-la dès que possible !

Mais la mécanique la plus originale, c’est la possibilité de ressusciter à chaque fois qu’un ennemi vous tue. Cette résurrection a un prix, chaque mort vous coûte une année et vous permet de reprendre exactement là où vous êtes tombé. C’est aussi l’occasion d’apprendre de nouveaux coups et de nouvelles attaques focus, ainsi que certaines capacités très utiles : maitrise de l’environnement, interception d’armes, ou le fait de ne plus se faire bousculer. Ces améliorations s’obtiennent en échange de votre score, il faut donc bien les choisir selon la situation.

Utilisez votre finish spécial dès que possible !
Utilisez votre finish spécial dès que possible !

Un pour tous…tous pour moi ?

Comme expliqué en introduction, Sifu est un jeu punitif et sans pitié. Les ennemis, souvent armés, vous attaquent à plusieurs, et en même temps. Parfois, le dernier ennemi d’une section de combat peut entrer dans un état de frénésie, devenant un miniboss redoutable.

Le jeu met l’accent sur la maitrise de toutes les techniques proposées, et c’est ce qui le rends si intéressant. Bourrer les touches dans tout les sens ne sert à rien à part vous faire tuer bêtement. Mourir doit vous servir à comprendre les patterns ou a apprendre une technique adaptée. Car même si vos coups infligent plus de dégâts en vieillissant, votre barre de vie, elle, va logiquement baisser. N’oubliez pas aussi que votre compteur de morts s’accumule à chaque mort et que vous ne rajeunissez pas d’un niveau à l’autre. Ce qui corse donc encore plus les choses. Si vous n’apprenez pas de vos échecs vous allez rapidement passer de 20 à 75 ans. Passé 75 ans, c’est gameover. Votre seule planche de salut réside dans les sanctuaires disséminés dans les niveaux. Ces sanctuaires vous permettent de récupérer votre vie, et de débloquer des compétences.

Ce côté exigeant et punitif peut frustrer les moins aguerris, mais c’est là tout l’intérêt et l’essence même de Sifu : mourir, apprendre de son erreur, progresser et épurer ses techniques, jusqu’à les maîtriser sur le bout des doigts.

Choisissez vos compétences selon la situation.

Hélas, ce système a des limites : certaines techniques sont vraiment plus fortes que d’autres. Les joueurs n’hésitent pas à abuser de certaines d’entre elles comme la maîtrise de l’environnement ou de la balayette focus. Les joueurs en ont conscience et en abusent pour gagner du temps.

Parlons un peu des boss. Bien que réussis en ce qui concerne leur apparence et leurs attaques, ils le sont moins quant au dosage de leur difficulté. Si le premier boss, Fajar, se bats facilement, Kuroki, celui du 3ème niveau augmente violemment la courbe de difficulté. Sans les compétences adéquates, vous allez passer un sale quart d’heure.

Partez avant d’y être forcé.

Un peu trop taillé pour le speedrun ?

L’un des aspects positifs de Sifu concerne sa rejouabilité. Les niveaux regorgent de raccourcis, déblocables en récupérant des objets issus d’autres niveaux. Ces raccourcis permettent aux joueurs voulant recommencer le niveau d’atteindre les boss plus facilement, en préservant l’âge minimum. Du coup, beaucoup de joueurs ont réussi à finir le jeu en moins de 20 minutes, faisant de Sifu, l’un des jeux les plus « speedrunné » ces derniers mois. Cette obsession du speedrun dénature en partie le jeu à mon goût, le but étant d’apprendre et d’observer. Je dis bien « en partie » car Sifu se fait en deux fois : avec la fin classique et la « vraie » fin. Il est normal qu’une fois les techniques maîtrisées, les premiers niveaux se font rapidement, en plus de l’utilisation des raccourcis.

Vouloir finir le jeu à tout prix à 20 ans va selon moi vous éloigner du vrai but du jeu.  L’expérience en pâtit, car les combats ne se ressemblent pas : certains sont nerveux et rapides et d’autres saccadés. Pour nuancer mon propos, je sais que les développeurs eux-mêmes ont fait en sorte de rendre le jeu « speedrun-friendly » pour convenir à tout le monde.

Du chemin à parcourir ?

En dehors de cette orientation vers le speedrun, Sifu n’est pas exempt de défauts. Le premier qui vient en tête est la caméra. Celle-ci est légèrement décalée et il arrive souvent qu’elle vous empêche de voir qui vous attaque. Cela arrive lorsque vous êtes encerclé et dos au mur, et ce genre de situation se produit de plus en plus au fur et à mesure que vous avancez dans le jeu.

Un autre défaut concerne les commandes par défaut du jeu, notamment leur configuration. En effet, il est contre-intuitif, selon moi, d’avoir placé la touche de parade/esquive sur la gâchette gauche des manettes (LB/L1). Il est heureusement possible de les reconfigurer et je vous conseille de placer votre touche de garde sur le bouton X (ou Carré sur PlayStation) de votre manette, un peu à la manière de Virtua Fighter.

Un autre aspect, plus subjectif cette fois, concerne l’histoire du jeu. L’histoire est prometteuse, mais elle est gâchée par un côté limite « cliché » des films de Kung-Fu des années 1970/80 : un maître tué ou déshonoré, une vengeance à accomplir. Il y avait pourtant matière à donner une consistance à l’histoire grâce au talisman et aux boss qui dégagent une vraie personnalité. Les clins d’œil aux références cinématographiques et vidéoludiques font toujours plaisir mais peuvent nuire à l’authenticité du jeu.

 

Verdict

8/10

Finalement, se poser la question de pourquoi Sifu est le jeu qui a marqué le début de l’année 2022, c’est déjà y répondre. Que vous soyez novice ou habitué, Sifu ne laisse personne indifférent. Que ce soit l’univers, les mécaniques de jeu ou même l’envie de faire du speedrun, tout le monde y trouvera plus ou moins son compte. Sloclap a appris de ses erreurs après Absolver, et même s’il reste encore du chemin à faire, celui-ci est sur la bonne voie.

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