[TEST] Shadow of the Tomb Raider, un jour sans fin

 


« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D’un jeu inconnu, et qui n’est, chaque fois,

Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre. »

 


Paul Verveine

Lara Craft

Pas facile d’aborder Shadow of the Tomb Raider pour moi. Ce troisième épisode du nouveau cycle de la série Tomb Raider, développé par Eidos Montréal, Crystal Dynamics et Nixxes Software et édité par Square Enix, me fait me poser bon nombre de questions. Néanmoins avant d’y arriver, laissez-moi vous conter l’histoire de ce Shadow of the Tomb Raider.

Après une île tropicale et la Sibérie, c’est au tour de l’Amérique du Sud de se retrouver sous le feu des projecteurs et en particulier le Pérou. Pourquoi donc le Pérou, me direz-vous ? Pour une sombre histoire d’artefact maya qui s’évertue à provoquer une fin du monde que seule Lara Croft peut empêcher. Malheureusement pour Lara, son avion est victime d’un orage et s’écrase en pleine jungle, début de l’histoire et de moult péripéties que je vais éviter de vous spoiler. Si le pitch de départ vous semble familier c’est que vous avez probablement joué aux opus précédents qui commencent peu ou prou de la même façon.

Néanmoins, force est de constater que ce nouvel environnement est vraiment bien retranscrit. La jungle donne une impression de luxuriance agréable, il y a une vraie mise en scène du paysage qui joue beaucoup sur la profondeur de champ, ce qui donne une cohérence au tout au niveau de la direction artistique. C’est d’autant plus sympathique que même si l’environnement reste la plupart du temps une jungle, il y a quand même pas mal de variations qui font que l’on ne reste pas dans cette étouffante et luxuriante verdure durant toute la partie. Y’a pas à dire, la DA, c’est de la belle ouvrage.

Cette DA est d’ailleurs mise au service d’une réalisation qui sait être efficace et qui arrive à produire quelques plans iconiques extrêmement bien présentés. Mais elle a aussi le défaut d’être extrêmement dirigiste. Par exemple, vous traversez une corniche comme sur l’image plus haut et la caméra va se tourner histoire de montrer la profondeur et le beau panorama. C’est une bonne idée, sauf que c’est fait avec une telle lourdeur… d’autant plus qu’on a presque l’impression que quand on souhaite remettre la caméra d’une façon qui nous va bien, le jeu nous force la main. Un peu comme si vous jouiez avec un ami qui vous tiendrait la tête entre ses mains et qui vous forcerait à regarder vers tel ou tel endroit (en même temps, je ne vous félicite pas pour vos amis). Cela est d’autant plus visible quand c’est pour vous forcer à regarder Lara ramper dans des boyaux souterrains avec bon nombre de gros plan malaisants.

 

Shadow of the Tomb Raider, c’est loin d’être le Pérou

Cette jungle permet aussi d’apporter de nouveaux ajouts au gameplay. En effet, Lara peut maintenant s’enduire de boue et se cacher dans des buissons façon Rambo pour lancer quelques attaques furtives bien senties et repartir telle une ombre. Quand au reste du gameplay, on s’articule autour du craft, de la cueillette et du feu de camp. Oui, encore. C’est d’ailleurs à ce moment-là que le jeu commence à craquer et que l’enrobage visuel ne suffit plus à faire illusion. Le gameplay de Shadow of the Tomb Raider rappelle furieusement les précédents opus et ça se voit. Et cela se voit d’autant plus car le jeu reprend cette recette à base d’arbres de compétences qui permet de « spécialiser » un peu l’approche que l’on va avoir.

Pour tout vous dire, je n’ai pas joué à Rise of the Tomb Raider. Je m’étais fait le premier un moment après sa sortie et je dois avouer avoir plutôt bien aimé la proposition. Le souci, c’est qu’en jouant à Shadow of the Tomb Raider, j’avais parfois l’impression de jouer au premier mais dans un nouvel environnement. Les quelques mécaniques de gameplay supplémentaires ne suffisent plus à faire illusion même si je dois aussi reconnaître que cette recette reste agréable. malgré tout, j’aurais aimé un peu plus d’audace dans la proposition. Il y a, certes, les tombeaux et autres cryptes qui permettent de varier un peu les propositions et d’avoir une approche plus plateforme et action.

 

L’ombre de lui-même

Non, si j’ai un souci avec Shadow of the Tomb Raider, c’est avec sa suspension consentie de l’ incrédulité. Pour rappel, cela signifie qu’une personne faisant face à une œuvre, accepte de croire au monde qui est raconté tant que celui-ci reste cohérent. Pour prendre un exemple simple, je sais que les zombies n’existent pas, mais je l’accepte dans une œuvre car cela fait sens dans celle-ci. C’est pareil, en théorie, dans le jeu. Shadow of the Tomb Raider nous demande de croire en son monde mais ne prend pas la peine d’en construire un cohérent. Prenons donc deux exemples que j’ai rencontré dans le jeu.

Dans le premier, en me baladant dans les options pour les dialogues, je suis tombé sur l’option « mode immersif » qui remplaçait les dialogues en français (la version française est plutôt réussie) en mettant les langues originales parlées par les personnes. Les personnages se mettent donc à parler espagnol ou en langue locale. Le souci, c’est que cela ne change pas les dialogues de Lara qui leur parle en anglais alors qu’eux lui répondent avec leur langue locale sans que cela ne pose de problèmes. Qui a pensé que c’était une bonne idée ? Qui ne s’est pas dit que, peut-être, Lara devrait parler avec eux en utilisant leur langue ?

La deuxième incohérence qui m’a fait sortir du jeu et de mes gonds, c’est une des vendeuses dans un des villages perdus au fin fond du bout du monde qui nous vends des fusils d’assaut comme si de rien n’était alors que tous les gardes n’ont que des arcs et des lances. Je trouve ça fou que personne n’aie relevé ce genre d’incohérences avant de publier le jeu. C’est extrêmement dommage car on voit que le monde qui nous est proposé n’est pas cohérent, qu’il n’est qu’une coquille vide dont le seul but est de recevoir Shadow of the Tomb Raider.

Le scénario ne tient pas, lui non plus, ses promesses de montrer le côté « sombre » de Lara, à l’origine du « shadow » de Shadow of the Tomb Raider. Lara reste une altruiste qui a tendance à sauver la veuve et l’orphelin sans jamais se poser la moindre question ni faire preuve d’une once de cynisme. On a connu plus sombre.

 

Des coutures qui commencent à craquer

C’est le même reproche que j’aurais à faire au level design. Celui-ci ne s’occupe pas de proposer un environnement réaliste. Il ne s’occupe pas non plus de proposer un environnement plausible. Non, l’environnement de Shadow of the Tomb Raider n’existe que par et pour le gameplay. Pour avancer, on ne se demande plus où aller mais où les développeurs ont tracé le chemin. On se demande où se trouvent les prochaines rambardes pour s’accrocher ou les passages qui vont permettre d’utiliser les grappins sans réfléchir plus que cela, de toute manière il n’y a qu’un chemin et ce n’est pas la peine de trop cogiter : tout est tracé.

J’ai fini Shadow of the Tomb Raider avec une sensation « tragique ». Le jeu nous propose un monde construit autour du gameplay sans prendre le temps d’enrober ce même gameplay avec d’autres éléments. C’est, en effet, tragique à voir. Le jeu essaye tant bien que mal de vendre du rêve mais tombe à côté, un peu comme un magicien proposant les mêmes tours usés jusqu’à la corde et que tout le monde connaît. Mais lui y croit encore et je ne sais pas ce qui est le plus triste : de ne plus y croire ou que Shadow of the Tomb Raider continue à y croire.

 

 

Verdict

6/10

Le constat semble un peu dur, voire amer. Pourtant, Shadow of the Tomb Raider n’est pas un mauvais jeu, mais il craque de tous côté. C’est un bon divertissement qui reste plaisant mais ne parvient pas (plus ?) à renouveler une série qui en aurait pourtant besoin. Il convient d’avoir conscience de cela avant de se lancer dedans en le payant plein pot. À prix plus bas, il deviendra un bon jeu d’action-aventure, mais n’en attendez pas trop.

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